La 9ème Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), s'est poursuivie jusqu'au samedi 7 décembre, pour finalement valider une série d'accords, dit paquet de Bali, au détriment des pays en développement, des populations pauvres et de ceux et celles qui souffrent de la faim.
Faciliter les échanges au profit des multinationales
Si le paquet de Bali est salué comme une victoire par l’OMC car il permet de débloquer l’impasse dans laquelle se trouvaient les négociations, il offre un accord juridiquement contraignant sur la facilitation des échanges qui est coûteux à mettre en oeuvre pour les pays en développement et qui déroule un tapis rouge aux entreprises multinationales. La facilitation des échanges, ou l’assouplissement des procédures et des frontières douanières, avantage clairement les grandes entreprises multinationales qui contrôlent déjà les exportations et les importations. Comme le montre les données du rapport sur le commerce mondial de 2013, 80% des exportations américaines sont effectuées par à peine 1% des grands exportateurs, 85% des exportations européennes sont traitées par seulement 10% des grands exportateurs et 81% des exportations dans les pays en développement sont concentrées dans les mains des cinq plus grandes entreprises exportatrices.
Une clause de paix à Bali qui met en péril le droit à l’alimentation
En échange du coûteux et légalement contraignant accord sur la facilitation des échanges, les pays en voie de développement ne reçoivent rien de valable. La très mauvaise clause de paix, hautement médiatisée, viole le droit à l’alimentation et met en péril le droit à la souveraineté alimentaire puisqu’elle impose de nombreuses restrictions quant à la capacité des pays en développement d’apporter un soutien aux petits paysans et aux populations les plus pauvres. Elle ne s’applique qu’aux programmes de sécurité alimentaire de stocks publics existants qui dépassent la mesure globale de soutien autorisée. Concrètement, seule l’Inde peut utiliser cette clause et aucun futur programme de sécurité alimentaire des pays en voie développement ne sera autorisé. Plus important encore, les pays en développement devront reconnaître le fait qu’ils violent les règles de l’OMC avant de pouvoir appliquer la clause de paix. C’est une absurdité car aucun pays ne devrait avoir à mendier le droit de pouvoir garantir le droit à l’alimentation de sa population.
De vieilles promesses non tenues
La question de subventions à l’exportation restera une promesse, une fois de plus. Dans le paquet de Bali, l’OMC ne fait que préciser que: la concurrence à l’exportation reste une priorité pour le programme de travail post-Bali. Et là, l’OMC ne demande pas aux pays industrialisés de reconnaître à genou qu’ils violent les règles de l’OMC. Quant à la requête de longue date des pays africains sur le coton, qui avait été inscrite sous forme de promesse dans la déclaration ministérielle de Hong Kong, elle n’a jamais été mise en oeuvre.
L’OMC a une fois de plus démontré qu’elle est une organisation qui profite seulement aux multinationales et aux Etats puissants orientés vers l’exportation et qu’elle ne fait que favoriser la concentration de la richesse dans les mains de quelques-uns. L’OMC n’a jamais permis et ne permettra jamais d’assurer le développement des populations. L’OMC est une institution en faillite et délégitimée qui cherche désespérément à se relancer avec un paquet de Bali dont le coût en termes de souveraineté alimentaire, de moyens de subsistance, d’emplois et d’avenir des populations est élevé.
Accords de libre-échange: nos droits bradés aux multinationales
En plus de l’accord survenu à Bali, deux négociations secrètes et parallèles ont de quoi faire trembler les citoyens. L’Accord sur le Commerce et les Services (TiSA) est en négociation à Genève. Il réunit 27 pays dont les Etats-Unis, l’UE et la Suisse. Son objectif est de déréguler tous les services (notamment financiers) et de privatiser certains services publics. Au nom de la neutralité concurrentielle, des hôpitaux ou écoles privées devraient être subventionnées au même titre que les institutions publiques. Ainsi, l’Etat et donc le contribuable, serait sommé de passer à la caisse pour financer ces groupes mais n’aurait aucun droit sur les éventuels bénéfices...
Le second accord qu’il faut craindre comme la peste est l’Accord de Partenariat Transatlantique (APT) entre les USA et l’UE. Il aurait un impact direct sur la Suisse notamment par le canal des bilatérales. Cet accord, s’il est signé, porterait un coup violent à la souveraineté des pays et ouvrirait une zone de libre échange encore inégalée. Côté américain, plus de 600 consultants mandatés par les multinationales ont été dépêchés... Cet accord prévoit en effet de limiter drastiquement les règles telles que l’étiquetage des produits, des substances toxiques ou l’interdiction des OGM. A tous les niveaux de l’Etat, jusqu’aux municipalités, l’Etat devrait se plier à des lois qui ne font que profiter aux multinationales. Même si les gouvernements venaient à changer de majorité, des modifications du traité ne pourraient avoir lieu qu’avec l’assentiment de tous les signataires. Les multinationales pourraient trainer les Etats devant des Tribunaux s’ils étaient soupçonnés d’entraver le libre-échange. Cet accord prévoit des tribunaux extrajudiciaires qui permettraient de réclamer des dommages et intérêts aux Etats trop scrupuleux. Trois avocats d’affaires siègeraient dans ces cours spéciales. Ce n’est pas de la politique fiction puisque ce processus est d’ores et déjà amorcé. Une multinationale réclame à l’Allemagne des millions de dollars pour son choix de renoncer au nucléaire. En France, un autre groupe se plaint que ce pays ait retiré un permis pour le gaz de schiste. Enfin un troisième pays est trainé devant les Tribunaux pour l’instauration d’un salaire minimum. Ainsi, un droit du travail trop social, une législation environnementale trop verte, une législation sur les denrées alimentaires trop soucieuse de la santé des populations, sont les cibles privilégiées des multinationales. Ces dernières pourraient obtenir réparation et au final, les contribuables devraient payer. Une escroquerie!
Cette situation doit alarmer les familles paysannes et l’ensemble de la société. Il n’est pas acceptable de concéder nos droits aux multinationales. Bon an mal an, les Parlements sont élus par le peuple. Ils leurs doivent des comptes. Mais les multinationales, elles, ne se préoccupent que de leurs actionnaires.
Uniterre était présent parmi les mille manifestants réunis le 3 décembre à Genève pour dénoncer ces accords pernicieux. Ce n’est pas suffisant. Il faut une mobilisation populaire beaucoup plus large à l’image de celle qui a permis de mettre au rebus le précédent accord de ce type en 1998 (Accord multilatéral sur l’investissement-AMI). En Allemagne, le syndicat paysan AbL a une longueur d’avance dans la mobilisation citoyenne contre l’APT. Ils sont déjà allés signifier leur mécontentement à Bruxelles.
La Via Campesina et Uniterre