mercredi, 03 décembre 2008

Pourquoi l'ALS est actuellement incompatible avec l'obtention d'un prix du lait équitable ! 

L'Association Lait Suisse (ALS) fait couler de l'encre dans les milieux agricoles et industriels. A grand renfort de déclarations tonitruantes et arrogantes sur le prix du lait, l'organisation avance gentiment ses pions dans la filière et maintient les producteurs dans le flou le plus total.

 

Dans cette situation, l’adhésion des producteurs est suicidaire. Un regroupement de l’offre et la création d’une plateforme de vente nationale indépendante, gérée par les producteurs, est la seule manière de gérer les quantités pour obtenir un prix équitable. Uniterre demande également que le prix du lait soit connu et défini à la mi-décembre 2009 pour les 6 prochains mois. Les producteurs n’acceptent plus de couler du lait sans prix fixé. Ils revendiquent toujours une hausse de prix du lait pour couvrir leurs frais de production en constante augmentation !

Actuellement, l’organisation ALS n’a pas de statut à proposer. Uniterre fait donc le point et se pose de nombreuses questions sur cette organisation. Le syndicat attend de la base comme des industries des réponses et des commentaires...

Les producteurs court-circuités

Visiblement la base n’a pas eu son mot à dire dans la constitution de l’ALS. Certains dirigeants d’organisations de producteurs qui sont membres fondateur de l’ALS (MIBA, OPU CREMO, APLCN, ZMP...) n’ont pas jugé opportun de discuter et d’informer leurs membres de la constitution de cette organisation et encore moins de leur totale adhésion.
Les producteurs n’ont donc pas eu les informations sur les diverses options à choix, et notamment le projet de plateforme de vente de la Fédération des producteurs suisses de lait (FPSL). Les producteurs n’ont donc pas eu toutes les cartes en mains pour choisir telles ou telles options ou stratégie. Ces manquements sont très graves. Visiblement certains délégués des producteurs ne représentent plus l’avis d’une bonne partie de leur base au sein des conseils d’administration de leurs organisations...Cela doit changer

Avoir les producteurs pour échapper à la COMCO ?

Pour rappel l’ALS regroupe les quatre plus gros acheteurs de lait (plus de 80% du lait), des organisations de producteurs et Fromarte, l’association des artisans suisses du fromage. Derrière cette organisation, il n’est pas impossible que les grands distributeurs aient un rôle de chefs d’orchestre... cela reste à démontrer. Dans tous les cas, la commission de la concurrence (COMCO) n’est pas la bienvenue dans le dossier. L’ALS cherche donc à intégrer complément la filière laitière, producteurs compris. Elle pourra ainsi démontrer qu’il s’agit bien d’une véritable interprofession dans laquelle tous les acteurs sont partenaires, traités de manière équitable et indépendants. De la poudre (de lait ?) aux yeux !

Attribution des quantités de lait à produire. L’industrie doit-elle tout décider ?

Si l’industrie devait avoir la mainmise sur l’attribution des quantités, les producteurs se verraient dans l’impossibilité de réguler eux-mêmes leur production en fonction de la demande et surtout du prix offert.
Lors du communiqué de presse du vendredi 28 novembre, l’ALS a clairement annoncé aux 27’000 producteurs suisses sa volonté de passer des contrats directs avec eux pour le lait de ligne (ex quota de base, approvisionnement du marché national) et de court-circuiter leurs organisations faîtières (OP ou FPSL). Pour les producteurs ou les organisations de producteurs réfractaires, l’ALS prévoit des ruptures de contrat à grande échelle et un prix du lait fluctuant selon le cours de la bourse (prix international). Pour ce lait, plus aucune quantité et plus aucun prix ne sera fixé à l’avance et garanti par les acheteurs. L’ALS va donc capter, par chantage, l’ensemble de la production de lait industriel suisse. Les producteurs n’auront plus aucune marge de manoeuvre pour influencer ni le prix ni les quantités à produire, sous peine de voir leur contrat cassé, de devoir vendre leur production au prix européen ou mondial et de risquer d’autres mesures de rétorsions.
Dans ce domaine, la récente grève du lait a montré ce dont était capable l’industrie. Certains producteurs grévistes se sont vu retirer des droits de produire. Certaines personnes ont même été menacées, harcelée directement et plusieurs « leaders » paysans, pourtant élu par les producteurs, ont été forcés de démissionner de leur poste à responsabilité au sein de leur organisation.

Segmentation des filières, un risque pour le prix du lait et pour le fond d’intervention

L’industrie se positionne clairement contre une régulation quelconque du marché par les producteurs. Par contre elle souhaite que l’ensemble des producteurs - par l’intermédiaire de la Fédération des producteurs suisses de lait (FPSL) - participent aux mesures de régulation (force obligatoire pour la gestion du fond d’intervention sur la matière grasse). En d’autre terme, les producteurs ne peuvent ni gérer l’offre ni les prix mais doivent payer en cas d’excès.
Cette situation n’est pas admissible. Raison pour laquelle la FPSL recherche à segmenter le marché laitier en deux filières:

  1. Marché national ou lait de ligne (gestion stricte des quantités par la FPSL et négociation de prix)
  2. Marché international ou marché « spot » (prix selon le cours de la bourse, libre marché, gestion des quantités par l’industrie)

Selon Uniterre, les dangers d’une telle organisation de marché sont nombreux. En voici quelques uns:

  1. Concurrence déloyale européenne : Vis-à-vis de nos collègues producteurs de lait européens, nous ne pouvons pas encourager et favoriser des mesures qui créent un dumping à la baisse sur leur prix du lait ! Les producteurs réunit au sein de l’European Milk Board sont solidaires et revendiquent tous un prix du lait équitable, une gestion des quantités en main des producteurs et la souveraineté alimentaire au plan européen.
  2. Force obligatoire : La segmentation ne peut fonctionner que si la FPSL obtient la force obligatoire par la Confédération pour la gestion des quantités et des prix pour le lait de ligne (ex quota de base, approvisionnement du marché national). Ce qui, aujourd’hui n’est de loin pas gagné. Dans le cas contraire, la gestion des quantités des deux filières reviendrait à l’industrie, avec tous les risques que cela comporte.
  3. Pas d’organe de contrôle et de répression des fraudes : Les filières ne peuvent être clairement contrôlées par un organe indépendant et les éventuelles sanctions ne sont jamais appliquées car le système de répression des fraudes est quasi absent en Suisse. Il n’est pas admissible que du lait produit à un coût inférieur, en grande quantité et géré de manière opaque par l’industrie - elle ne va tout de même pas dévoiler ses marchés... -, vienne engorger et peser sur le marché national et donc le portemonnaie des producteurs.
  4. Agriculture à plusieurs vitesses : Avec beaucoup de prix du lait différents, une agriculture à plusieurs vitesses pourrait se développer. Les producteurs seraient encore plus divisés car mis en concurrence et maintenus sous tutelle - via un contrat - par l’industrie.
  5. Prise en otage des consommateurs suisses : La vision de l’ALS va clairement à l’encontre de ce que souhaitent la plupart des consommateurs et consommatrices de ce pays. Lors des différentes votations touchant l’agriculture, la population a clairement choisi une agriculture durable et familiale et non de type industriel (sans OGM, sans hormones, en respectant les critères éthiques et éthologiques,...). Il n’est donc pas loyal de leur faire croire que l’on peut produire du lait de qualité suisse aux prix européens actuels. C’est les prendre en otage. Le coût de la vie est également plus élevé en Suisse. Comme la plupart des autres produits de consommation courante, le prix du lait payé au producteur doit être plus élevé. La plupart des organisations de consommateurs en sont d’ailleurs bien conscient et trouvent normal que les producteurs de lait soient rémunérés de manière équitable.

Prix du lait de ligne fixé tous les trois mois par un index créé par l’industrie

L’industrie propose que le prix du lait de ligne (ex quota de base, approvisionnement du marché national) soit renégocié et fixé tous les trois mois, en fonction d’un index qui prend en compte différents paramètres, dont les prix à la consommation. Dans sa version actuelle, les coûts de production ne seraient que partiellement intégrés et ne reflèteraient pas du tout les résultats obtenus par les Stations fédérales de recherches agronomiques.

Pour Uniterre, la fluctuation des prix à la consommation ne peut influencer directement le prix payé au producteur. En effet, produire du lait implique un coût qui ne dépend pas du prix payé par les consommateurs. Une grande surface fait des actions ou des gammes différentes de prix sur tel ou tel produit pour, en priorité attirer le client et récupérer sa marge sur d’autres produits. Pour un producteur de lait, les coûts pour produire un litre de lait sont les mêmes, qu’il soit vendu à un prix normal ou a prix cassé. Il ne peut faire varier ses coûts ou répartir ses marges aussi simplement qu’une grande surface ! Raison pour laquelle tout le lait produit mérite un prix équitable. Les vaches ne sont pas des machines et encore moins des cuves en inox...

Solution

Si les producteurs souhaitent obtenir un jour un prix du lait équitable, à savoir 1 Fr/litre, ils doivent en premier lieu...

  1. Se mobiliser et faire pression sur leurs représentants au sein de leurs organisations pour qu’elles quittent l’ALS et favoriser leur regroupement au sein d’une plateforme de vente indépendante et d’envergure nationale gérée par les producteurs.
  2. Mettre en concurrence les entreprises dépendantes du fond d’intervention financé par les producteurs sur chaque litre de lait produit. EMMI, CREMO, HOCHDROF dépendent fortement du fond d’intervention car ils ne produisent que peu de produits à hautes valeurs ajoutées, (fabrication de lait en poudre et de beurre) au contraire d’ELSA qui ne fait que des produits laitiers à hautes valeurs ajoutées.
  3. Travailler avec les consommateurs et consommatrices pour faire pression sur les acheteurs et distributeurs pour que les marges soient réparties de manières équitables dans toute la filière !