Le Conseil des Droits de l'Homme à Genève a adopté une résolution autorisant la poursuite du processus en vue de l'adoption d'une Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan-ne-s et autres personnes travaillant en zone rurale (pastoralistes, ouvriers agricoles, nomades, pêcheurs, peuples indigènes, sans terre...). La Bolivie est en charge de démarrer les consultations informelles avec les États et la société civile et d'organiser une seconde session du groupe de travail intergouvernemental en novembre 2014. L'adoption d'une telle Déclaration peut potentiellement contribuer à mieux protéger les droits et améliorer les conditions de vie de millions de paysans et d'autres personnes travaillant en zones rurales dans le monde comme en Suisse.
Pour rappel, ce projet de Déclaration émane du mouvement paysan international La Via Campesina qui travaille sur ce dossier depuis plus de 10 ans. Avec l’appui du Centre Europe-Tiers Monde (CETIM) et de FIAN International, La Via Campesina a présenté cette proposition au Conseil des Droits de l’Homme en 2009. En 2012, une étude du Comité consultatif (organe d’experts) du Conseil des droits de l’Homme reconnaissait que les paysans et les autres personnes travaillant dans les zones rurales sont victimes de discriminations et de violations systématiques de leurs droits humains et recommandait l’adoption d’une telle Déclaration afin de mieux protéger et promouvoir leurs droits. Et en septembre 2012, le Conseil des Droits de l’Homme adoptait une résolution par laquelle il établissait un groupe de travail intergouvernemental chargé d’élaborer et d’adopter une Déclaration sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. Le dit groupe de travail a tenu sa première session en juillet 2013.
Lors de la 26ème session tenue en juin 2014, le Conseil des Droits de l’Homme devait examiner le rapport de la première session du groupe de travail et se prononcer sur un possible renouvellement de son mandat, afin que les discussions puissent se poursuivre sur la base d’un projet de Déclaration révisé. Les États membres du Conseil des Droits de l’Homme ont répondu favorablement aux revendications des organisations paysannes et ont accepté, à une écrasante majorité, de renouveler le mandat du groupe de travail intergouvernemental. La résolution déposée par la Bolivie a été a adoptée par 29 voix favorables, 13 abstentions et 5 oppositions.
Uniterre, l’autre syndicat (les 2 membres suisses de La Via Campesina) et le Cetim sont extrêmement satisfaits de ce résultat car il démontre une adhésion croissante à ce processus (en 2012, le résultat était de 23 pour, 16 abstentions et 9 contre). Nous ne pouvons que regretter l’attitude intransigeante et peu constructive des États-Unis, de la Grande Bretagne, de la Corée du Sud, de la République Tchèque et de la Roumanie qui ont à nouveau voté contre la résolution. Il est cependant à souligner que des pays comme la France, l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie et l’Irlande qui étaient précédemment opposés ont pris l’option de s’abstenir. C’est non seulement le résultat d’un plaidoyer intense des organisations paysannes de La Coordination Européenne Via Campesina et de la société civile auprès de leurs gouvernements respectifs, mais aussi le signe encourageant d’un regard plus positif des gouvernements sur l’agriculture paysanne. Pendant la session, des délégations de La Via Campesina se sont succédées pour poursuivre le plaidoyer.
Nous tenons à féliciter tout particulièrement la Suisse qui, sans avoir cette année le droit de vote au Conseil des Droits de l’Homme, a co-signé la résolution présentée par la Bolivie et a participé de manière très constructive tout au long des débats ! Cela est le reflet d’un plaidoyer constant et permanent entre les acteurs de la société civile et nos autorités et du dialogue constructif qui est en cours.
Dans les mois futurs, la Via Campesina et ses alliés redoubleront d’efforts pour tenter de convaincre les États encore réticents de la nécessité d’une telle Déclaration. Cette Déclaration est indispensable à la protection de l’ensemble de l’agriculture paysanne au niveau mondial qui fournit plus de 70% des aliments en ayant à peine 25% de terres à disposition. En consolidant les droits de celles et ceux qui jouent un rôle décisif dans la production d’aliments au niveau mondial, ce projet renforcera la souveraineté et la sécurité alimentaire pour l’ensemble de la population.
Valentina Hemmeler Maïga