jeudi, 20 août 2015

alfredoAlfredo est sympathisant d'Uniterre depuis quelques années. Il est né dans un village de la Plaine de Magadino au Tessin; urbaniste à Genève et maintenant retraité, il s'engage pleinement pour l'initiative. Rencontre sur la terrasse d'un bistro genevois.

 

 

Alfredo, pourrais-tu nous expliquer les raisons d’un tel engagement?

Dans mon village, nous étions presque tous filles ou fils de paysans. Aujourd’hui il n’y en a plus aucun. La disparition des fermes et la question de l’accès à la terre pour les jeunes me touchent tout particulièrement. En 2006-2007, lorsque j’étais encore actif comme urbaniste, le projet d’agglomération franco-valdo-genevois qui s’appelle maintenant le «Grand Genève» a pris forme. J’appréciais l’idée de réfléchir au-delà de la question cantonale et de voir enfin la dichotomie ville-campagne dépassée, de penser «région». Ce projet était plein de bonnes intentions mais était-il réalisable sans être accompagné d’une stratégie de mise en oeuvre articulée et réfléchie? J’avais été choqué par certains aspects de la première mouture du projet proposé par un bureau d’urbanistes zurichois. J’avais eu l’impression qu’on s’était amusé à mettre des tâches de couleur sur la zone agricole pour signifier les futures urbanisations. La plaine de l’Aire, bassin maraîcher genevois, était sacrifiée à la construction d’un nouveau quartier. Un véritable non-sens en termes de statut agricole et nourricier de ces terres. Par contre, je ne suis pas opposé par principe à la construction sur des terres agricoles, mais les endroits doivent être bien réfléchis et pondérés. Par exemple à Bernex, le projet d’extension de la commune était justifié par un projet, aujourd’hui  concrétisé, d’une nouvelle ligne de tram. Il n’est par contre pas justifié que la nouvelle urbanisation s’étale sur 150 ha, si le même projet peut se faire sur 50-60 ha.

Dans la foulée de ces projets est arrivé le référendum contre le déclassement des Cherpines (Plaine de l’Aire) auquel je me suis associé. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Uniterre. J’ai également assisté en 2011 au Carrefour «Souveraineté alimentaire» organisé par la Fédération genevoise de coopération dans lequel Uniterre était fortement impliqué. Depuis, je considère que le thème de la souveraineté alimentaire est la juste alternative pour redonner espoir à une agriculture familiale et proche des besoins des consommateurs.

Par quel aspect es-tu particulièrement inspiré?

C’est l’approche globalisante proposée par l‘initiative qui me stimule tout spécialement. Pour moi, c’est une évidence incontestable que l’alimentation est un des thèmes clé pour la société d’aujourd’hui et de demain et que de ce fait l’agriculture nous concerne toutes et tous. En outre, les aspects tels que le territoire rural, l’économie solidaire, la biodiversité et l’alimentation saine font partie d’un tout. Je suis persuadé que cela peut générer un débat nécessaire et salutaire au niveau national. J’estime que la transition vers une écologie politique est inéluctable; tout dépendra de combien de temps il nous faudra pour la réaliser. Mon sentiment est que c’est maintenant qu’il faut agir.

Comment procèdes-tu sur le terrain?

Quand je vais faire mes récoltes dans les 45 communes genevoises, j’ai toujours quatre sous-mains avec moi. Le premier réunit les feuilles de la Ville de Genève et des plus grandes communes. Dans les trois autres sont classées par ordre alphabétique les feuilles des petites et moyennes communes. Sur les en-têtes j’inscris déjà les noms et le code postal de la commune. Ainsi je ne perds pas de temps et je facilite le travail de tri chez Uniterre. J’ai fait toutes mes récoltes de manière volante, à 95% seul, et j’ai diversifié mes lieux d’actions.

Justement où es-tu allé?

Pendant l’hiver j’ai privilégié les entrées et sorties des centres commerciaux ou les événements de type conférences qui avaient un lien avec le thème «agriculture / alimentation».  Au printemps sont arrivés les parcs, les bourses de vélos, les fêtes de quartier, puis les Bains des Pâquis et les marchés. Je présente toujours le dos de la feuille avec les 5 arguments clés en clamant «voulez-vous soutenir l’agriculture familiale?» et en fonction de la personne que j’ai en face de moi, j’appuie plutôt sur l’un ou l’autre thème. Par exemple avec certaines personnes je privilégie les aspects liés aux pertes d’exploitations agricoles et familiales  ou de la diversité agricole. Avec d’autres, j’axe surtout sur les OGM ou sur les jeunes qui sont dans les écoles d’agriculture et qui ne trouvent pas de terres pour s’installer et vivre de leur métier.

Et tu as une bonne écoute?

Je constate que quand on arrive à capter l’attention, on a ensuite très peu de refus à signer. Nous croisons beaucoup de gens «tête baissée» qui évitent le regard, mais il n’est pas rare que certains soient revenus en arrière pour signer l’initiative. Ce qui est sympathique, ce sont les nombreux remerciements que nous recevons. C’est gratifiant pour le mouvement et Uniterre devrait être fière d’avoir porté ce débat sur la place publique. Si je m’amuse à faire un peu de sociologie de terrain, je peux m’avancer à dire qu’à force de rencontrer les genevois, nous ne sommes pas si minoritaires que je le pensais au départ.

Que faudrait-il pour atteindre l’objectif des 120’000 signatures ?

Tout simplement plus de monde qui récolte. Si nous arrivions à avoir 300 à 500 personnes qui récoltaient chacune entre 100 et 200 signatures, nous aurions atteints le quota. Par exemple cet automne il y aura des fêtes rurales comme les fêtes des vendanges ou la fête de la châtaigne à Fully, où 40’000 visiteurs sont attendus. Si dans ce genre d’événements nous arrivons à débarquer à 20 personnes, nous serons en mesure de faire de magnifiques moissons.