Lettre ouverte de paysannes bio et employées agricoles à Bio Suisse
Selon l'étude de la CISA, un accord de libre-échange trilatéral entre la Suisse, l'UE et les États-Unis (TTIP) causeraitaux paysan-ne-s suissesd'énormes pertesde l'ordre de 587 millions par an, mais selon cette évalutation il ne menacerait pas leur existence. Parmi les membres de la CISA, aux côtés de Nestlé, Migros et Economiesuisse on trouve également des organisations agricoles comme IP Suisse, Bio Suisse, Suisseporcs et Vache Mère Suisse.
Plusieurs de ces organisations, y compris Bio Suisse, demandent des mesures d’accompagnement en cas d’ouverture du marché, notamment pour compenser les frais de production élevés (salaires et coûts deconstruction élevés, protection à la frontière, etc.). Nous sommes d’avis que ce n’est pas suffisant.
Quelle est la position de Bio Suisse concernant une augmentation des importations de céréales Bio ? Réponse de Lukas Inderfuth, porte-parole de Bio Suisse1 : « Avec TTIP, ce sont notamment les produits sensibles qui bénéficieront d’une protection douanière. Ainsi, nous ne voyons pas pourquoi il faudrait justement l’abolir pour les céréales. De plus, l’élargissement de l’offre de produits bio grâce aux importations représente une opportunité pour rendre le Bio plus attrayant auprès de davantage de consommateurs. »
Cette vision est stupéfiante. Qui donc Bio Suisse courtise-t-il? Ce n’est un secret pour personne que le commerce en profitera, alors que les paysannes et paysans seront le plus durement touchés. Avec plus d’aliments à moindre prix - y compris des produits bio - la pression sur la production indigène augmentera massivement.
Une chose est claire : la protection de l’environnement n’est pas compatible avec plus de libre-échange. Une pression concurrentielle accrue aura inévitablement des conséquences négatives sur l’environnement, le bien-être des animaux et des personnes, ainsi que sur la qualité des aliments - ici et partout dans le monde. Par conséquent, c’est une trahison de la vision du Bio.
Exemples de ce qui est en jeu
• Régionnalité : La législation américaine ne reconnaît pas les indications géographiques. Par contre, l’UE préconise des systèmes de protection indépendants et étatiques pour les indications géographiques.
• Prix à la production : La pression sur les prix augmentera massivement avec un accord TTIP. Même le ministère de l’Agriculture des États-Unis prévoit des prix à la production plus bas pour les agriculteurs de l’UE. Selon l’étude de la CISA mentionnée plus haut, le prix du blé chutera de 44%, celui du porc de 42%, celui de la viande de boeuf de 27% et celui de la volaille de 29%.
• Les États-Unis exercent une forte pression pour « harmoniser » les normes européennes, c’est-à-dire les assouplir dans leur intérêt (p. ex., viande aux hormones, OGM, pesticides, désinfectants, etc.)
Nous exigeons de Bio Suisse un positionnement clair contre ces méga-accords de libre échange et une vision claire allant plus loin que le bord de l’assiette biologique, car c’est toute l’agriculture qui est concernée et cela ne devrait pas nous laisser indifférents! Maintenant c’est au tour des délégué-e-s de modérer les appétits commerciaux de Bio Suisse.
Signataires, paysannes biologiques et employées agricoles : Eveline Buchwalder, Regula Imperatori, Elsbeth Arnold, Eva Schöni, Monika Gerlach, Donata Clopath, Rahel Kilchsperger, Ulrike Minkner, Tabea Münger, Berthe Darras, Wendy Peter, Christine Hürlimann, Stefanie Schenk
Note: 1 Source (traduction): Schweizer Bauer, TTIP, « Igas - Bauern fordern Begleitmassnahmen », Samuel Krähenbühl, 28.08.2016