lundi, 01 janvier 2018
jeudi, 18 janvier 2018
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Interview de Paul Ecoffey, producteur de lait pour le fromage Gruyère et Vacherin, 50 vaches laitières, Rueyres-Treyfayes, Canton de Fribourg.


L’huile de palme est un sujet qui te préoccupe beaucoup, est-ce que tu peux m’en dire plus?

Aujourd’hui, 30’000 à 40’000 t d’huile de palme sont importées chaque année en Suisse dont 5’000 t que l’on retrouve dans les concentrés pour animaux (vaches, cochons, volailles, etc).

Je trouve cette pratique inadmissible alors que nous avons en Suisse d’autres aliments à disposition pour les concentrés, bien meilleurs d’un point de vue environnemental et nutritionnel.

Et d’autant plus, que l’une des entreprises emblématiques sur la culture d’huile de palme - qui possède aujourd’hui 189’000 ha de cultures - a une partie de son siège dans le canton de Fribourg, à côté de chez moi ! Cette entreprise, c’est la SOCFIN. C’est un groupe belgo-luxembourgeois. On se demandera d’ailleurs, au passage, ce que ce groupe étranger fait en Suisse? Une histoire d’allégement fiscal de plus.


Quand as-tu commencé à t’intéresser au sujet de l’huile de palme en Suisse?

En 2006. A l’époque, c’était concernant un autre sujet ! En effet, cette année-là, nous avons eu un surplus de beurre, qui a été écoulé via l’exportation sur le marché mondial. Mais il s’agissait d’une exportation faite à prix cassé ! Et qui en a payé le prix? Les producteur-trice-s ! En effet, la Fédération des Producteurs Suisses de Lait (FPSL) nous prélève sur chaque litre de lait quelques centimes pour financer ce que l’on appelle « le fonds de soutien de dégagement ». Au total, cela a représenté, cette année-là, plusieurs millions qui ont servi à écouler notre beurre à bas prix à l’étranger.

J’avais donc dénoncé en 2006 cela aux assemblées de l’interprofession du gruyère et de la fédération laitière fribourgeoise. Sans réaction d’ailleurs. Par la suite, j’ai parlé avec quelques connaissances en politique pour faire monter le dossier à un plus haut niveau. Le dossier est arrivé dans les mains de M. De Buman, alors conseiller national. Il a, suite à cela, déposé une motion pour les PDC demandant une surtaxe pour l’importation de l’huile de palme. Au même moment, Jean-François Rime déposait une motion semblable au nom de l’UDC.


Et quel a été la réponse à ces motions?

Le Conseil National a botté en touche disant ne pas pouvoir surtaxer l’huile de palme…. En contre-partie, il a était demandé que soit indiqué clairement sur l’étiquetage non plus seulement « huile végétale » mais bien « huile de palme ». Or, on constate aujourd’hui que cette demande n’est toujours pas appliquée et que l’on retrouve encore bien trop souvent seulement indiqué « huile végétale » ou « graisses végétales ».

Jamais je n’aurais cru que 10 ans plus tard j’en arriverais à dénoncer à nouveau ce fléau mais cette fois-ci dans l’alimentation du bétail !


J’aimerais revenir sur un point que je ne comprends pas. Comment se fait-il qu’en premier lieu ait été introduit de l’huile de palme dans l’alimentation du bétail? Avant, ce n’était pas chose courante?

Cette dérive provient de la mise en place de la prime PLVH (Production de Lait et Viande basée sur les Herbages). Il s’agit d’une prime qui veut promouvoir la consommation de fourrage grossier (90 % de fourrage de base dont 75 % d’herbes, prairies, pâturages, dérobées) en zone de plaine. Cette prime s’élève à 200 CHF par hectare de surface herbagère. Mesure intéressante en soi, mais qui a cependant engendré une dérive: pour pouvoir respecter cette mesure, il a fallu de l’autre côté limiter l’apport de concentré et donc trouver un moyen pour que ce concentré soit toujours aussi « efficace » énergétiquement. Pour cela, deux solutions: ajouter soit de l’Alikon® soit du Propylène-glycol qui est un précurseur du glucose utilisé pour prévenir l’acétonémie mais c’est un produit qui coûte cher. Et donc la solution meilleure marché: l’huile de palme ! Nous y voilà !


L’USP a justement fait un communiqué de presse le 1er juin qui dénonce cette pratique d’utilisation de l’huile de palme - je cite: « Les paysan-ne-s suisses ne veulent pas nourrir leurs animaux avec de l’huile de palme », ce qui est une bonne chose non?

Oui c’est un premier pas. Mais le problème, c’est que l’Union Suisse des Paysans (USP) s’attaque ici aux producteurs d’aliments pour animaux - en l’occurrence FENACO - qui est l’importateur principal et le plus gros distributeur d’aliment concentré en Suisse. Certes, c’est bien de dénoncer la FENACO, mais elle n’est qu’en partie responsable. C’est le système qu’il faut dénoncer, le système qui permet cela ! C’est la mise en place de cette fameuse PLVH, rappelons-le, PLVH qui a été mise en place par l’OFAG et approuvée par l’USP à l’époque !

On se demande comment l’OFAG a pu favoriser ce genre de pratique au même titre que l’exportation de notre bon beurre… La réponse n’est pas très compliquée à trouver.


Bon, il semblerait tout de même que depuis ces contestations, la FPSL a annoncé lors d’un communiqué de presse du 24 août 2017 que « La graisse de palme sera entièrement éliminée du fourrage suisse destiné aux vaches d’ici la fin de l’année (…). Elle sera principalement remplacée par de l’huile de colza ». C’est positif?

Oui, mais pourquoi donc la stopper pour le bétail mais pas pour l’alimentation humaine? Les vaches ont obtenus le droit d’éliminer cette huile, néfaste, de leur alimentation mais l’Homme, lui, s’en trouve toujours entouré. Selon cette logique, nos animaux sont nourris avec de l’alimentation plus bénéfique que la nôtre. Y aurait-il eu une coupure dans le raisonnement?


En ce moment se discute au Conseil Fédéral la possibilité d’un accord de libre-échange avec la Malaisie, accord dont l’une des conditions d’échange en retour pour la Malaisie est l’exportation possible vers la Suisse de son huile de palme.

Si cet accord de libre-échange se conclut, cela mettra en péril la production d’huile de colza suisse. Encore une fois, comment se fait-il que nos politiciens préfèrent favoriser l’importation d’une huile de palme produite dans des conditions inadmissibles d’un point de vue social et environnemental, sans respect des droits de l’Homme alors que nous avons, en Suisse, notre huile de colza qui est bien meilleure…

Enfin, avec la votation du 24 septembre 2017 sur la sécurité alimentaire, je me réjouis justement de voir appliquer les intentions de sécurité alimentaire qui devraient permettre de sauver notamment la production indigène de colza. En tout cas, c’est ce qu’a plébiscité clairement le peuple ! Et notamment, l’alinéa sur « des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire ». Est ce bien durable d’importer de l’huile de palme dont les conditions de productions ne respectent ni les Hommes, ni l’environnement?


Qu’est ce que tu proposes toi Paul?

Il faut une véritable législation. Il est urgent que l’USP se batte pour les producteur-trice-s et la production laitière suisse afin d’arrêter l’export du beurre à prix cassé parce que nous n’arrivons pas à écouler nos stocks. Et de se battre pour stopper le traité de Libre Échange avec la Malaisie, quels qu’en soient les pendants qu’elle nous fait miroiter.

Pourquoi ne pas faire une action symbolique annuelle dans la grande distribution pour remettre en avant le bon beurre suisse dans les produits industriels à la place de l’huile de palme? De plus, nous pourrions proposer une motion qui taxe l’utilisation de l’huile de palme et une autre pour la formation d’un label spécifiant « produit sans huile de palme » avec un système de différenciation par rapport aux autres labels.


Propos recueillis par Berthe Darras

article paru dans le Journal d'Uniterre de novembre 2017


jeudi, 11 janvier 2018
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Dans le cadre de sa stratégie de développement durable, ELSA (groupe industriel laitier de la MIGROS) a lancé en 2017 un projet de lait durable.

Depuis le départ, l’intention de la Migros était de créer un projet répondant à des critères de durabilité, sans cependant engendrer trop de modifications pour le gros des producteurs. Sachant que notre agriculture injecte davantage de calories en intrants et en énergie qu’elle en produit, il était à prévoir que le géant orange allait accoucher d’une souris. Mais non ! Sous l’aspect de la durabilité, c’est tout au plus un moustique minuscule qui a vu le jour.

Certes, avec des critères éthologiques, la pâture, la valorisation des fourrages de base, notamment indigènes, la promotion de la biodiversité, la limitation des concentrés et des antibiotiques, on est sur la bonne voie vers davantage de durabilité.

Mais ni la performance des vaches laitières de 8 ou 10 kg de lait par jour de vie, ni peut-être 2 à 3 cts supplémentaires par kg de lait ne garantiront la durabilité économique de la production laitière. Pour cela il est indispensable que le prix du lait payé au producteur couvre la totalité des frais de production qui, selon les calculs de la FAT, avoisinent un franc le kg.

S’agissant de la production laitière, il est évident que le bien-être de l’animal ait sa place dans le projet. Mais force est de constater que dans notre système mercantile mécanisé, robotisé et globalisé, le bien-être de l’animal est devenu absolument prépondérant, au détriment de l’aspect humain et de l’être humain, hélas !

Dans ce contexte, il faut une fois pour toutes rappeler aux ingénieurs et autres scientifiques (ainsi qu’aux fanatiques de la protection des animaux !) l’immense importance (souvent sous-estimée et négligée) qu’a le bien-être (aussi au niveau économique) du producteur pour le bien-être de l’animal ! Face à cette réalité du terrain, l’exigence que le bovin doit être inscrit à la BDTA avec un nom nous laisse perplexe!

Dans les Directives Lait Durable, on ne trouve pas un mot ni sur les intrants énergivores tels que carburants, engrais, phytosanitaires, ni sur le tassement de nos terres agricoles par des machines de plus en plus gigantesques.

Et les contrats d’achat visant 12 mensualités à quantité égale vont à l’encontre d’une production de lait plus durable…

Bref : La durabilité dans son ensemble du projet n’est même pas une durabilité M-Budget extra-light, et le projet tel que présenté doit être considéré et dénoncé comme une monstre tromperie pour la consommatrice et du consommateur.

Par contre, il faut bien reconnaître qu’il s’agit d’un superbe coup de marketing, laissant en passant au producteur quelques petites miettes.

Mais sachez :

Sans prix qui couvre les frais de production, il n’y a pas de durabilité !

La Commission lait d’Uniterre

mardi, 09 janvier 2018

A partir du printemps 2018, nous cherchons des locataires pour un petit domaine agricole familial à Arnex-sur-Orbe. Trop petit pour être « intéressant » selon les critères de la politique agricole suisse actuelle, sa maison d’habitation avec 2 logements et ses 2.4 ha de terrain agricole bénéficient toutefois d’un sérieux potentiel à être valorisé par une famille ou un collectif porteur d’un projet innovant de micro-ferme en permaculture....

Dossier complet