jeudi, 27 mai 2021
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L'agriculture est face au mur ! La crise de l'agriculture revèle les défis de nos sociétés industrielles. Notre organisation économique et politique a un impact lourd et problématique sur la cohérence sociale et l'équilibre des écosystèmes de la planète. Il est impératif de réduire notre empreinte sur l'environnement naturel et de trouver un nouvel équilibre permettant de préserver les ressources pour les générations futures. Les initiatives sur les pesticides soumises à la votation en Suisse divisent la population et les paysan.ne.s et occultent les questions de fonds sans régler ces problèmes. Elles impliquent un report des impacts du système alimentaire sur les seul.e.s paysan.ne.s et sur des régions éloignées en dehors des frontières nationales. Les effets délétères de cette logique s'observent déjà et l'exemple de la production biologique du Sud de l'Espagne toujours plus industrielle avec ses dérives sur le plan social et technique est parlant. Les pesticides, l'utilisation excessive d'antibiotiques et la concentration spatiale de l'élevage ont un effet négatif sur la faune, sur la qualité de l'eau et sur la santé, mais qu'en est-il des polluants industriels et domestiques et les déchets dérivant de notre société de consommation ? N'y a-t-il pas là deux poids et deux mesures ?

Le commerce et l'industrie exercent une pression continue sur les prix à la production et poussent des paysan.ne.s toujours moins nombreux vers toujours plus de productivité. Et ce n'est jamais assez ! Chaque rapport agricole du gouvernement repète inlassablement que l'agriculture suisse n'est pas assez compétitive...En effet, la société et le commerce exigent toujours davantage de qualité et de critères écologiques de la part des producteurs et productrices sans remettre en cause la formation des prix et l'importance d'une juste valorisation de la production alimentaire.

Ces dernières décennies les gouvernements n'ont cessé d'encourager le démantèlement progressif de l'agriculture paysanne, la destruction quotidienne de trois fermes, la perte de dizaines de milliers de postes de travail dans l'agriculture, la spécialisation et la concentration des productions, le remplacement du travail humain par une mécanisation lourde, coûteuse et energievore.

La recherche agricole a été orientée dans cette perspective. L'avancement des connaissances agronomiques, la sélection variétale, la mécanisation et la protection phytosanitaire ont éradiqué les famines dans les pays industrialisés. Pour garantir l'approvisionnement avec une nourriture de qualité il faut agir sur la production et sur la répartition.

Les initiatives soumises actuellement au vote ne proposent pas d'encadrement du marché et sont injustes, incohérentes et contreproductives et il est dès lors important de rejeter ces deux textes. L'une est d'inspiration libérale, elle propose de transformer la retribution des services fournis par l'agriculture en outil de punition et déplace les problèmes écologiques à l'extérieur de nos frontières en appliquant un double standard entre la prodution indigène et les importations. L'autre initiative se focalise de manière dogmatique sur une technique dont les paysan.ne.s ne sont pas les auteurs, dont ils ne sont pas responsables, ni pour les autorisations de mise sur le marché, ni pour les critères d'application. L'autorisation de produits et leur analyse toxicologique sur l'environnement et la santé humaine doit dépendre de l'Office fédéral de la Santé et de l'Environnement. Les prescriptions quant à l'utilisation et l'application des produits doivent tenir compte des effets positifs et négatifs inhérents. A ce titre, il n'y a pas de différence à faire entre un produit synthétique et un produit naturel car bien qu'un produit naturel se décompose généralment plus rapidement ce qui constitue un avantage, il possède également une toxicité dont les effets doivent être analysés.

Pour Uniterre et le syndicalisme agricole il est important de défendre le concept de souveraineté alimentaire et d'agroécologie. Nous les défendons ensemble avec le mouvement paysan international La Via Campesina. Le premier concept revendique un contrôle démocratique des ressources et du marché. Le deuxième principe insère l'agriculture dans l'ensemble d'une société écologique. Ces deux initiatives avec leur réduction des problèmes à des aspects ou techniques ou en ciblant exclusivement l'agriculture sans approcher la question économique ratent définitivement leur cible, elles divisent plutôt que d'unir et empêchent par leur focalisation sur des aspects techniques l'union qui peut remettre en cause les rapports de force économiques dominants qui poussent aujourd'hui l'agriculture vers une course incessante et destructive à la compétitivité. Il faut rétablir une vérité de prix. L'instrument douanier peut y contribuer. Le crédit et les investissements doivent être orientés sur des objectifs d'intérêt commun et d'un accès aux ressources démocratisé. Les acteurs, producteurs, consommateurs et intermédiaires doivent être autonomes et capables de négocier des contrats sociaux qui permettent de fixer un prix pour une qualité donnée, un partage des risques et des bénéfices, un calendrier de livraison et une modalité de paiements d'accomptes.

Il est plus que temps d'arrêter cette folie de destruction d'une agriculture familiale diversifiée qui prend soin des ressources locales disponibles et qui approvisonne la population avec une nourriture saine et de qualité. La concentration de l'élevage en plaine dure depuis 30 ans et plus et doit cesser. L'élevage doit être prioritaire en montagne et dans les collines. La plaine doit en premier lieu servir pour les culture céréalières et végétales, les cultures de fruits, de légumes directement consommables par les humains. De toute évidence l'élevage a aussi une place en plaine, mais elle doit compléter les cultures végétales.

Manger sainement n'est pas un luxe, mais un droit auquel l'accès doit être garanti à toutes les couches de la population. On est là cependant dans le domaine d'une politique sociale, pas de la politique agricole.

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Au sein d'Uniterre, nous avons lors de différents échanges, discussions et consultations internes recueillis un certain nombre de réflexions que nous aimerions rendre accessibles à nos membres et sympathisants pour nourrir le débat afin qu'il permette à notre mouvement d'encourager la transition plus que jamais nécessaire vers une agriculture paysanne valorisée et durable sur les aspects économiques, sociaux et environnementaux.