vendredi, 14 février 2014

EMB Logo Web09Comme on peut le lire dans de nombreux articles parus dans la presse, l'UE et les USA sont actuellement en cours de négociation d'un accord de libre-échange transatlantique. En ces temps de grave crise économique dans de nombreux États membres de l'UE, la Commission européenne espère par ce traité relancer la croissance et donner lieu à la création de nouveaux emplois en Europe.

 

 

Mais ce qui vaut peut-être pour l’industrie manufacturière n’est pas nécessairement valable pour les producteurs laitiers européens. La structure des exploitations et les normes de production du lait dans l’UE et aux USA sont trop différentes. À titre d’exemple, aux États-Unis, l’utilisation d’hormones de croissance pour augmenter la production de viande et de lait est monnaie courante, tandis que dans l’UE cette pratique est interdite, pour de bonnes raisons. Avec la conclusion d’un traité de libre-échange, les gouvernements risquent de s’accorder sur les normes les moins contraignantes, qui sont uniquement favorables à l’industrie agroalimentaire. La protection des consommateurs, basée dans l’UE sur le principe de précaution, risque d’en être la première victime. Il en résultera une guerre des prix et une perte de confiance des consommateurs européens, dont les conséquences pour les exploitations familiales en Europe sont à peine imaginables. Un autre problème de l’accord de libre-échange UE-USA se rapporte à la protection extérieure pour les produits laitiers importés dans l’UE. Contrairement à la plupart des produits industriels, les importations de produits laitiers dans l’UE font encore l’objet de droits de douane considérables. Pour la principale revendication de l’European Milk Board, c.à.d. la mise en place d’un système de régulation flexible de l’offre pour le secteur laitier de l’UE, le maintien de cette protection extérieure par le biais de droits de douane est élémentaire. Si, à l’avenir, les importations dans l’UE seront possibles sans ou avec des droits de douane très faibles au prix du marché mondial, l’objectif d’un prix rémunérateur pour les producteurs laitiers dans l’UE sera plus éloigné que jamais.

Plus rien ne s’opposera alors à l’objectif de l’industrie agroalimentaire d’une concentration de plus en plus forte dans le secteur laitier et de la disparition de l’agriculture paysanne. Comme le nom officiel donné à l’accord de libre-échange l’indique - « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement » - il ne s’agit dans ce partenariat pas essentiellement de questions commerciales, mais surtout de promouvoir et de garantir les investissements de l’industrie. Des investissements douteux de l’industrie agroalimentaire n’en sont évidemment pas exclus.

Mais le pire de cet accord de libre-échange entre l’UE et les USA est que les négociations entre la Commission européenne et les États-Unis ont lieu à huis clos. Le fait d’assurer le plus haut degré de transparence possible - par la publication de tous les documents et textes en lien avec les négociations, tel qu’il est généralement d’usage dans les procédures législatives aux niveaux national et de l’UE - n’est ici pas prévu. La première exigence, avant toute autre revendication, doit dès lors être de rendre l’avancée des négociations transparente et ouverte au public. C’est la seule manière pour les producteurs laitiers européens de reconnaitre à temps les dangers auxquels ils seront confrontés. Si cette transparence n’est pas donnée, ce sera notre démocratie même qui sera mise en péril.

Un petit succès a cependant déjà pu être obtenu suite à l’indignation publique contre les négociations sur l’accord de libre-échange. Karel de Gucht, le Commissaire européen au commerce, a annoncé le lancement, en mars 2014, d’une consultation publique sur des clauses de sauvegarde des investissements prévues dans l’accord. Beaucoup de personnes craignent que, sur base de ces clauses, les entreprises pourront intenter des actions contre les gouvernements devant des tribunaux d’arbitrage privés lorsqu’elles sont d’avis que des mesures législatives, comme par exemple des contraintes environnementales, affectent la rentabilité de leurs investissements. Cela pourrait restreindre de façon considérable la marge de manoeuvre des gouvernements d’un point de vue législatif.

L’EMB s’est associé à d’autres organisations européennes de la société civile, afin de suivre de près le cours des négociations à Bruxelles. Lors de son assemblée générale au printemps, l’EMB adoptera une prise position sur le futur accord de libre-échange.

Christian Schnier (EMB)