mardi, 03 novembre 2015

DucHiRes - webPour Eric Duc de Chavannes-sur-Moudon, il ne faut pas confondre paysan et agriculteur. Plus qu'un métier, la paysannerie est une passion et un mode de vie. Etre paysan, c'est exercer une multitude d'activités qui servent toutes à nous nourrir, comme le faisaient nos ancêtres avant la chimie, avant le productivisme, avant la suprématie de l'agroalimentaire ou les paiements directs.

 

L’agriculteur, lui, n’est qu’un technicien au service de cela, un gratte-papier qui court après des primes. Eric a été très déçu lors de son apprentissage. «Apprendre à remplir des bilans de fumure, je trouve ça complètement inutile. Ca ne m’a pas du tout intéressé, c’était trop technique. En fait, on nous a surtout appris à acheter; à acheter du nouveau surtout, des nouvelles semences, des engrais... J’ai bien plus appris avec mon père étant enfant, puis avec les copains, et après en passant en bio».

Et il n’y a pas qu’à l’école que ça se passe comme ça. Au début il était sélectionneur, on leur disait qu’il fallait racheter des plants chaque année, car les plants fermiers finissaient toujours virosés et ils étaient censés traiter contre le mildiou. Lui n’a jamais fait ni l’un ni l’autre, voilà 10 ans qu’il a les mêmes plants et ils n’ont jamais été aussi beaux. Il a eu une seule fois du mildiou, deux ronds qu’il a fauché, il a même laissé les rames sur place et en hiver il n’a pas eu une seule patate pourrie. Pour lui les engrais et les produits phytosanitaires sont inutiles. «Il faut sortir des sentiers conventionnels, la vie est bien mieux faite que ce qu’on nous enseigne! Les plantes s’adaptent à tout, même si on va au devant d’années sèches, si on ressème nos propres céréales, locales, les plantes vont gentiment se préparer à tout ça». Ces céréales seront aussi beaucoup plus assimilables pour l’homme, contrairement à celles du commerce, qui gavent plus qu’elles ne nourrissent.

Ainsi Eric Duc produit-il toutes ses semences, de céréales comme de légumes, et il cultive des variétés de blés anciens. Ce qui a eu un impact très positif sur sa santé (il souffre d’hypertension) depuis qu’il mange de la farine de blés anciens il a quasiment pu arrêter les médicaments. Il a aussi eu une très bonne surprise avec ses poules; son visage s’illumine tandis qu’il raconte «ça a été une expérience magnifique! Voilà plus de 20 ans que je leur donne uniquement mes céréales. Avant c’était du blé moderne, et elles ne pondaient pas du tout pendant l’hiver, vu que je ne les poussais pas. Quand j’ai commencé avec les céréales anciennes c’était en hiver et elles avaient déjà arrêté de pondre, et bien une semaine après elles se sont remises à pondre! Maintenant, avec mes blés anciens, j’ai des oeufs toute l’année».

Pour Eric Duc, tout est question de diversité et d’équilibre. Diversité des activités et des espèces. Comme ses ancêtres il est tour à tour maraîcher, vacher, meunier, cultivateur, bûcheron, apiculteur, sélectionneur ou porcher. Mais son but n’est pas non plus la diversification avec pour objectif de vendre. Avant de vivre de la vente de ses produits, la famille Duc tâche déjà de vivre de ses produits. Et si celle-ci vit à presque 50% des paiements directs on ne peut pas dire que beaucoup de ses revenus partent dans les besoins vitaux. C’est cette autonomie du ménage qui impressionne ici. Presque rien ne vient de l’extérieur, même les pâtes. Quant aux abeilles, elles ne reçoivent qu’un peu de sirop maison fait à base de jus de pomme du domaine juste avant l’hiver. Pour le reste un jardin «un peu en chenit» -rempli de fleurs, de déchets végétaux, des arbustes dans chaque recoin - un magnifique verger et des cultures en bio depuis 15 ans forment leur principale nourriture. Et leur miel est délicieux.

Eline Müller, Pissenlit