par Samir Laouadi
La deuxième édition du Forum de Nyéléni Europe - le plus grand rassemblement européen de défense du droit à la souveraineté alimentaire - a pris in dimanche dernier à Cluj-Napoca, en Roumanie. Bilan.
Du 25 au 30 octobre, le Forum de Nyéléni Europe a réuni plus de 700 personnes en provenance de 40 pays d’Europe. Agriculteurs, pêcheurs, autochtones, consommateurs, ONG, syndicats et scientiiques se sont rassemblés à cette occasion.
Dans un élan collectif, ces différents acteurs ont dénoncé les effets négatifs de l’agriculture industrielle et de l’agrobusiness sur les systèmes alimentaires, l’environnement, la santé et les conditions sociales des producteurs. Ils soutiennent que chaque peuple doit disposer du droit à une alimentation saine, de qualité, et culturellement adaptée. La souveraineté alimentaire constitue alors une alternative permettant à la société civile de se réapproprier le contrôle de son agriculture et de son alimentation. C’est autour de ces idées forces que les délégations de tous les pays ont communément développé un plan d’action alliant pratiques durables et respect de l’environnement. Ce plan vise à transférer aux populations les moyens de gérer leurs propres modes de production, de consommation et de distribution.
Véritable arène de démocratie participative, le Forum de Nyéléni a donné aux citoyennes et citoyens la possibilité d’exprimer des solutions concrètes en vue d’appuyer un modèle agroalimentaire alternatif, tant à l’échelle locale que nationale et internationale. Tout au long de la semaine, les participants ont rejoint des groupes de rélexion thématiques, eux-mêmes subdivisés en groupes de travail plus restreints. Cette configuration efficace a favorisé le dialogue et offert à chacun l’opportunité de témoigner de ses propres réalités. De ces rencontres ont émergé des propositions d’actions qui ont systématiquement été rapportées en plénière.
Par cette méthode de travail fédératrice, les individus du monde agricole, le plus souvent écartés des politiques décisionnelles, ont ainsi été écoutés. Le Forum leur a permis d’accéder au rang d’acteurs intégrés en amont aux processus de réflexion. De la représentante des peuples indigènes Tchouktches de l’Extrême-Orient russe au paysan traditionnel chypriote ou au petit producteur irlandais, tous ont non seulement relaté leurs difficultés quotidiennes, mais aussi et surtout fait entendre leurs initiatives basées sur des modèles de durabilité sociale et environnementale. Car comme l’évoque Charles-Bernard Bolay, président du Syndicat des paysans et paysannes Uniterre, «les systèmes de production et de commercialisation alimentaire ont été captés en dehors du monde agricole qui n’a dès lors plus aucun pouvoir». Accorder une voix à celles et ceux qui résident au coeur des systèmes alimentaires, tel est le principe structurant la Déclaration de Nyéléni Europe (2011).
Les quatre grands thèmes qui ont segmenté les groupes de travail ont recouvert le droit aux ressources naturelles et aux biens communs, les modèles de production et de consommation, la distribution alimentaire, les conditions sociales de travail et la marginalisation. Il est ressorti des ateliers nombre de propositions qui progressivement seront accessibles via le site Internet de Nyéléni.
Le Forum de Nyéléni incarne par ailleurs une plateforme d’échanges et de partage d’expériences, ce à tous les niveaux. Dans ce cadre, Uniterre a présenté l’initiative populaire suisse pour le droit à la souveraineté alimentaire et a récolté un écho positif de la part de nombreuses délégations présentes. Ces dernières ont particulièrement approuvé l’engagement helvétique, considérant cette démarche comme une source d’inspiration pour les États européens.
L’impressionnante capacité d’organisation de la société civile a marqué cette semaine à Cluj-Napoca. Le Forum a été pris en main par des bénévoles qui ont oeuvré avec énergie à son bon déroulement. 845 heures de travail de traduction ont été effectuées dans 9 langues. Et plus de 50 facilitateurs et preneurs de note ont été recensés. En parallèle, les participants ont proposé 15 open spaces réservés à des thématiques spéciiques. Le Forum s’est approvisionné en nourriture auprès d’une centaine de paysans roumains. Exclusivement locales, les denrées respectaient non seulement les sensibilités individuelles, mais conféraient également aux producteurs une meilleure visibilité, ainsi qu’un soutien inancier. En marge de l’Expo Transilvania, bâtiment dans lequel s’est déroulé le Forum, s’est en outre tenu un marché de petits artisans et producteurs. Aux multiples espaces de dialogue et de rencontres se sont inalement ajoutés des visites de villages agroécologiques au coeur de la Transylvanie.
Organiser un tel évènement par la seule et unique volonté de bénévoles, avec un budget limité, cela démontre que la société civile est prête à prendre en charge le monde de demain, qu’elle sait résister et faire preuve de créativité. Un voyage collectif et démocratique vers la souveraineté alimentaire, une immense diversité, des dynamiques contrastées, des besoins, des idées et des actions, le 2e Forum de Nyéléni Europe a vu naître, au cours de ces derniers jours, un mouvement unique. Deux mots d’ordre: renforcer la convergence des luttes, mondialiser l’espoir.
par Samir Laouadi
pour la Délégation suisse, SeCoDév et Uniterre
paru dans Le Courrier du 4 novembre 2016