lundi, 31 juillet 2017
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Le petit monde du lait suisse n’a pas eu de quoi s’ennuyer en ces mois printaniers. Serait-ce le vent du renouveau qui commençait à souffler discrètement ? Les indicateurs du marché, au niveau européen en particulier, avaient de quoi nous donner un peu d’espoir, aussi c’est avec beaucoup d’attention que nous avons suivi les nouvelles.

La première en date, ce fut la rencontre trimestrielle de l’IP lait le 24 mai 2017. Les acheteurs allaient-ils enfin faire un pas dans la bonne direction et apporter un petit mieux dans le portemonnaie des éleveurs ? Que nenni ! Comme trop souvent par le passé, en l’absence d’un compromis allant vers un relèvement du prix indicatif du segment A, nous avons eu la grande déception de constater que rien ne bougerait dans l’immédiat. Le prix resterait fixé à 65 centimes par kilo. Si la colère des milieux paysans était à prévoir, plus étonnante fut la réaction de quelques membres de l’interprofession, parmi les acheteurs, qui braquèrent les feux des projecteurs sur la Migros et son usine ELSA. Emmi fut parmi les premiers à ouvrir la critique, arguant qu’il n’était pas normal que deux sièges soient attribués à Migros (un siège à Migros et un siège à ELSA pour être précis). Coop, qui s’approvisionne majoritairement chez Emmi, ne tarda pas à emboiter le pas, critiquant cette fois Migros d’avoir empêché l’ensemble de la branche d’accorder 3 centimes supplémentaires par kilo de lait dès le 1er juillet. Dans le sempiternel duel qui oppose nos deux géants oranges, Coop s’est fendue d’un geste qui est certes un signal positif pour la branche, mais aussi, reconnaissons-le, un adroit coup de marketing. Elle a décidé d’octroyer de son plein gré les fameux 3 centimes refusés en séance de l’IP lait.

Cette nouvelle n’est pas restée sans nous interroger. Coop n’étant pas directement acheteur de matière première, quel moyen serait employé pour s’assurer que les producteurs voient effectivement leur prix remonter ? Leur ayant posé la question, ils nous ont répondu qu’ils étaient à la recherche d’une solution efficace avec leurs fournisseurs. Dossier à suivre !

Pendant ce temps, la tourmente autour de Migros/ELSA ne s’est pas apaisée. Tant dans le milieu agricole que parmi les consommateurs, et même au niveau politique, des voix se sont élevées pour appeler à un boycott général de la Migros. Désignée comme le coupable idéal, la Migros méritait sa punition. Nous nous sommes posé la question, au sein du comité, si nous devions suivre cette mouvance. Si dans un premier temps la réponse semble facile, elle n’est pourtant pas si évidente. Les chiffres publiés par la PSL nous montrent une vérité qui n’est pas forcément celle que l’on imagine : Migros verse en moyenne 5.7 centimes de plus par kilo de lait que la moyenne des autres acheteurs, soit 10 %. Elle est donc l’entité qui respecte le mieux le prix indicatif proposé par l’IP lait, sans toutefois l’atteindre. En ce sens, la critique des autres acteurs nous apparaît comme facile, et n’a servi visiblement qu’à masquer le fait que ces entreprises n’ont, elles, jamais joué le jeu. Cela ne signifie pas pour autant que la Migros est blanche comme neige dans le dossier laitier (sans mauvais jeu de mots), mais sur ce point précis, les attaques sont difficilement justifiables.

Début juin, l’Union suisse des paysans a diffusé un communiqué de presse qui a lancé un ultimatum aux acheteurs. Si au premier juillet, le prix indicatif n’est pas relevé en regard de la situation internationale, des actions seront entreprises. Aucune précision n’a été donnée à ce sujet. A l’heure où cet article est écrit, nous sommes le 4 juillet, et rien n’a semble-t-il bougé.

Ce n’est pas la seule action de l’USP en cette fin de printemps. Un groupe de travail sur le lait devait être mis en route, et Uniterre a insisté pour y participer. Ce sont ainsi Claude Demierre, Max Fragnière et Paul Ecoffey qui se sont rendus à Berne le 9 juin, avec une série de revendications et de propositions : appliquer impérativement le prix indicatif, augmenter le prix du lait en rapport avec les coûts de production, arrêter la segmentation, revoir les statuts de l’IP lait, où les acheteurs font la loi à eux tous seuls. Quelle ne fut pas leur déception de se retrouver face à seulement 3 membres de l’USP, et aucune aide à la traduction n’était proposée ! Nos membres ont vraiment eu l’impression de se déplacer pour rien et de ne bénéficier d’aucune considération. C’est une étrange façon pour l’USP de manifester sa volonté de travailler à une amélioration dans le secteur du lait de centrale.

Et pour finir en beauté le mois de juin, Migros a annoncé le vendredi 23 sa décision de se retirer de l’IP lait à la fin de cette année. Un coup de tonnerre supplémentaire dans un ciel déjà bien chargé ! Chacun est libre d’y lire le signal qui lui convient le mieux, cependant à Uniterre nous avons souhaité relever combien cette décision met en évidence le caractère futile d’une organisation dont nous dénonçons le fonctionnement depuis longtemps. Migros a mis en avant sa volonté de continuer de manière autonome et responsable ce qu’elle fait depuis longtemps, à savoir être l’acheteur qui paie le mieux. Cette entreprise ne peut malgré tout pas prétendre échapper à toute critique. Le contrat passé en direct avec les producteurs stipule en effet une livraison mensuelle égale au 12ème du droit de produire annuel, avec une tolérance de plus ou moins quelques pourcents, et les écarts sont punis. Tout éleveur de bétail laitier sait combien il est difficile de respecter une livraison constante mois après mois, car bien des facteurs échappent au contrôle (fourrages, fréquence des vêlages, survenue d’une mammite, etc). Il est aussi facile, pour ELSA, d’offrir de meilleures conditions d’achats quand on ne se concentre que sur le secteur qui paie le mieux dans la transformation du lait, laissant à d’autres usines, telle que Cremo, les secteurs plus délicats, financièrement parlant, de la fabrication de beurre et de poudre de lait.

Il faudra donc suivre attentivement l’évolution du fonctionnement de l’IP lait dans les semaines à venir. Les autres membres disent regretter ce divorce précipité, mais il est certain qu’ils ont maintenant l’occasion de faire leur autocritique.

Au beau milieu de ce florilège d’annonces et de communiqués de presse, il reste les producteurs. Pendant que certains se bagarrent pour déterminer qui a raison et qui sera le meilleur, les paysans continuent de recevoir une misère pour le travail fourni, et ce ne sont pas 3 centimes de plus qui suffiront à rétablir la situation économique des familles paysannes. La commission lait d’Uniterre a repris du service avec entrain et son message principal n’a pas changé au fil des ans. Toute production engendre des coûts, y compris la main-d’œuvre, et le prix de vente doit couvrir l’intégralité de ces coûts pour assurer la pérennité d’une branche économique. A l’heure où tout le monde parle de durabilité, la revendication d’Uniterre d’obtenir 1.- frs par kilo de lait est plus que jamais d’actualité. Du reste, la commission lait a déjà eu l’occasion de rappeler ces faits à la Migros justement, qui souhaite mettre sur pied un projet de lait durable. Nous attendons avec impatience de voir comment les aspects de durabilité économique et sociale, pourtant claironnés joyeusement dans les publicités, seront mis en pratique.

Vanessa Renfer

publié dans le Journal d'Uniterre juin-juillet 2017


Légende Photo: En ce 4 juillet, c’est devant l’IP lait que des producteurs de lait, à l’appel d’Uniterre, se sont regroupés pour protester contre l’immobilisme honteux des instances concernées et réclamer, parmi d’autres revendications, une hausse immédiate du prix du lait !

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