mercredi, 06 septembre 2017
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Chère Union Suisse des Paysans,

Le beau printemps de cette année nous a offert une jolie surprise. Tu as semblé profiter de cette période féconde pour exprimer une vigueur renouvelée et affirmer une forte volonté d’empoigner à bras le corps le problème lancinant de la crise du lait. Tu as réalisé que l’IP Lait ne faisait pas son travail, ou en tout cas pas en faveur des paysans que tu dis défendre. Tu as remarqué que beaucoup d’entre eux étaient véritablement au bout du rouleau, voire même au-delà malheureusement, que la colère grondait dans les campagnes, qu’une partie de l’opinion publique semblait également se réveiller…

Tu as clamé haut et fort que désormais, cela suffisait ! Il fallait arrêter de se moquer des paysans, « le jour de paie était arrivé » !! Tu as menacé les industries laitières de ce pays, leur donnant un délai au 1er juillet 2017 pour améliorer les conditions d’achat et le prix du lait, sinon…

Sinon quoi ? Moi, paysanne, j’avais déjà fait chauffer mon tracteur. Moi, paysanne, j’avais réservé la première semaine des vacances scolaires pour participer au coup de gueule général, pour assiéger le palais fédéral, ou les usines des acheteurs, pour descendre dans la rue et crier l’indignation, la colère, la tristesse, la peur de lendemains qui ne chantent pas. En attendant, trois de mes collègues se sont rendus à une première séance du groupe de travail lait, que tu as absolument tenu à mettre sur pied, au cours de laquelle il ne s’est pas passé grand-chose.

Le 1er juillet est arrivé, et reparti… Et que s’est-il passé ? Rien. Pas une vague, pas un murmure. Tout au plus nous as-tu communiqué l’assurance que tu avais écrit un courrier bien senti aux acheteurs. Je crois pourtant qu’ils n’ont pas senti grand-chose. Je suis certaine qu’ils en rigolent encore. Il y a bien eu quelques susucres jetés en pâture aux paysans et aux consommateurs, de faux labels équitables plus vrais que nature, quelques centimes de plus ici et là… On peut se risquer à estimer que le 95  % du lait d’industrie produit en Suisse est toujours payé au même tarif dérisoire qu’avant le mois de juillet, et que pour les producteurs qui ont vu une augmentation, celle-ci leur permettra tout juste d’emmener leur famille au cinéma.

Soyons sérieux ! Est-ce donc cela que la plus grande organisation agricole du pays espérait ? Chère USP, de par ta structure et tes moyens financiers, tu avais les moyens de faire bouger les choses, de réveiller du monde ! Tu as su mobiliser tes troupes en un temps record pour le défilé dans les rues de Berne en novembre 2015, ou pour récolter des signatures pour ton initiative. Et maintenant ? Tu as accepté de troquer ton initiative pour un contre-projet anémique et potentiellement dangereux, tu as laissé les familles paysannes continuer de s’enfoncer dans un marécage financier sans fond.

Très chère USP, chaque famille paysanne de ce pays te verse des cotisations faramineuses. Par le lait, par les cultures, par le nombre d’hectares cultivés, combien de francs piochés en silence, au bas d’un décompte obscur, quittent notre poche pour atterrir dans la tienne, sans que nous n’ayons véritablement donné notre accord ? Nous paysans sommes en droit d’attendre en retour des résultats concrets, et pas seulement d’alimenter tes comptes en banque ! Devrons-nous débaucher un acheteur de Migros, un vrai requin aux dents longues, pour qu’il fasse le travail à ta place ?

Vanessa Renfer