Dans le journal Uniterre de janvier (p. 6), nous vous avions parlé de l'initiative cantonale fribourgeoise lancée par Jean Bertschi au printemps dernier concernant la gestion des volumes et des prix de la production laitière. Où en sommes nous aujoud'hui ?
Nous étions tout contents de vous annoncer que le décret proposé par le Conseil d’Etat fribourgeois allait être voté au Grand Conseil le 9 février. Suite à quoi, le décret serait transmis à l’Assemblée Fédérale. Pour rappel, il chargeait le Conseil Fédéral de « rendre obligatoire, à tous les échelons de l’achat et de la vente de lait cru, un contrat type, conformément à l’article 37 de la loi fédérale sur l’agriculture (Lagr ; RS 910.1) avec un engagement irrévocable d’au moins 12 mois sur les quantités et leur répartition dans les différents segments de valorisation et des prix fixés pour au moins 6 mois. » Rebondissement honteux entre le projet du Conseil d’Etat et le texte soumis à votation, les députés sont finalement revenus sur les délais et ont voté ce jeudi 9 février « un engagement irrévocable d’au moins 12 6 mois sur les quantités et leur répartition dans les différents segments de valorisation et des prix fixés pour au moins 6 3 mois. »
En découvrant cette supercherie ce fameux jeudi, nous étions tous outrés et incrédules!
Ci-après, la réaction de Valentina, qui vient du fond du coeur :
« Mais qui dirige Fribourg ?
L’industrie laitière est à la barre, les élus sont-ils encore maîtres en terre fribourgeoise ?
La sous-signée sent les vibrations de son ancêtre Catillon1 traverser tout son corps. Sommes-nous revenus au temps des baillis ?
Après la pièce de théâtre que le Grand Conseil fribourgeois nous a présenté, nous pouvons le craindre.
Acte 1. M. Bertschi, député UDC au Grand Conseil dépose au printemps 2016 une motion sur la question des contrats laitiers. Son objectif : que le secteur laitier respecte les contrats annuels fixant des quantités et garantisse le prix pour au moins six mois. Sa motion est de qualité.
Acte 2. Le Conseil d’Etat, dans sa grande sagesse, estime que la motion est de bonne teneur et rédige une proposition de Décret « copié-collé » qui est renvoyée en commission pour étude et qui devrait par la suite se transformer en initiative cantonale adressée au Conseil fédéral.
Acte 3. Ladite commission, largement dominée par des députés paysans maîtrisant le dossier, retravaille le texte et le résultat de leurs travaux est publié sur le site internet du Grand Conseil. Par un tour de passe-passe inexpliqué, le Décret ne demande plus qu’un contrat de minimum 6 mois et des prix fixes sur 3 mois. En raison de quelles forces extérieures ces députés ont-ils tourné leur veste pour raboter un texte qui se voulait enfin ambitieux et une lueur d’espoir pour les paysans ? Par qui les députés paysans se sont-ils fait bluffer à un tel point, eux qui sont sensés connaître le sujet et les réalités dramatiques du terrain et qui tenaient en main un texte déjà soutenu par le Conseil d’Etat et qui avait toutes les chances de passer dans sa forme initiale la rampe du plénum? à vous d’y répondre chers paysans...
Acte 4. Le décret est discuté et voté en plénière. Plusieurs députés de droite et de gauche sont avertis par avance par Uniterre que ce rabotage découvert sur internet était un risque qui pourrait même influencer à l’avenir la loi fédérale qui exige elle des contrats de 12 mois. Ils sont encouragés à demander lors des débats en plénière de revenir au texte du député Bertschi. Las. Seule la gauche semble tenter de résister à la pression de l’industrie en faisant plusieurs interpellations en plénière.
Morale : Comme quoi, quand une idée est bonne, même de droite, elle peut être défendue par la gauche, pour le bien des paysans. (cf. édito) »
Quoi qu’il en soit, afin que cette initiative cantonale ait du poids, nous avons besoin d’autres cantons. Pour cela, Uniterre a envoyé un courrier aux Conseillers d’Etat des autres cantons romands pour les rendre attentifs à la démarche lancée par le Canton de Fribourg sur la base des 12 mois et des 6 mois, avant ce rebondissement. Maintenant, il faut que d’autres cantons déposent une initative similaire sur la base du texte initial, afin de tenter de redonner un peu de stabilité et de sécurité aux producteurs de lait.
La même démarche a été lancée en Suisse alémanique. Affaire à suivre donc !
Berthe Darras et Valentina Hemmeler Maïga
article paru dans le Journal d’Uniterre de février 2017
1 Catillon, Catherine Repond, est la dernière femme de Suisse romande à avoir été brûlée après avoir été jugée comme sorcière.