samedi, 27 juin 2020
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Betty Wienforth, maraîchère aux Jardins de Cocagne

Dans le cadre d'un échange entre Uniterre et le mouvement brésilien des sans-terre "Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra" (MST), j'ai passé trois semaines dans les États brésiliens de Sao Paulo et de Santa Catarina à la fin de 2019. Pour mieux connaître le MST dans les domaines de l'organisation, de la production et de la commercialisation, il était nécessaire de comprendre l'orientation politique et l'histoire du mouvement des sans-terre.



Un mouvement de petits agriculteurs comptant 1,5 million de membres¹.

Depuis une trentaine d'années, le mouvement social se bat pour la terre, les changements sociaux et la réforme agricole. Dans le contexte brésilien, où 46 % des terres utilisables appartiennent à 1% des propriétaires terriens et où l'industrie agricole repose principalement sur l'exportation de soja, de maïs, de canne à sucre et de bétail, sans aucune considération pour la population ou les ressources naturelles, le MST représente une opposition importante. Avec environ 1,5 million de membres, l'influence du MST est évidente bien au-delà des questions de droits fonciers.

J'ai pu constater dès le début de mon voyage, lors de ma visite au camp "Marielle vive", à quel point le MST peut changer la vie des personnes qui y participent. Ceux qui décident d'aller au MST prennent part à une occupation (non violente) de la terre et s'installent dans le camp de tentes pour organiser leur nouvelle vie ensemble et enfin et surtout pour cultiver leur propre parcelle de terre.



La diversité est pratiquée ici

Actuellement, environ 130 000 familles vivent dans ces camps et 380 000 autres familles dans des colonies (occupations de terres légalisées). Au cours de mes nombreuses rencontres, j'ai fait la connaissance de personnes très différentes, comme des personnes d'origine européenne ou africaine, des chrétien.ne.s, des homosexuel.le.s assumé.e.s ou même des marxistes et bien sûr des personnes qui ne peuvent pas être classées dans un seul groupe. Cette énorme diversité n'est peut-être pas surprenante, puisque la société brésilienne est tout aussi diverse. Ce qui est remarquable, cependant, c'est avec quelle évidence et avec quel respect pour chaque individu, les gens du MST essaient de vivre ensemble et de s'organiser de façon démocratique à la base. Le désir d'une vie meilleure et autodéterminée et le sentiment d'appartenance à la classe ouvrière semblent être les éléments fédérateurs ici. Le moyen de réalisation concret est la production agricole sur leurs propres terres.



Différentes formes de production et de commercialisation

Les formes de production et de commercialisation des membres du MST sont aussi différentes que les personnes qui y travaillent. Au cours de mon voyage, j'ai pu visiter diverses entreprises agricoles. D'une très grande coopérative laitière à un petit collectif de culture de légumes en passant par une simple entreprise familiale, tout était là. En tant que formes de production innovantes, j'ai appris davantage sur l'agroforesterie et l'agroécologie. Les formes de commercialisation que j'ai pu connaître allaient de l'agriculture solidaire aux négociations avec les chaînes de supermarchés, en passant par la commercialisation et le programme de cantine scolaire brésilien. Préoccupé par la diminution des marchés de vente (en particulier ceux de l'État), le MST tente actuellement de créer ses propres boutiques, qui doivent servir à la fois de points de rencontre marketing et socioculturels. En outre, les possibilités d'exportation de certains produits sélectionnés sont également envisagées.

La situation politique actuelle au Brésil et le renforcement des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie qui en résulte inquiètent beaucoup les gens du MST. Préoccupation pour leur existence économique, leur liberté personnelle et la poursuite du mouvement.



17 avril, Journée internationale des luttes paysannes

N'oublions pas l'occasion malheureusement très triste qui a amené la "Via Campesina" à proclamer la journée internationale des luttes paysannes. Le 17 avril 1996, dans l'État du Parà, 19 membres du MST ont été assassinés par la police militaire brésilienne dans le cadre de leur lutte pour le droit à la terre.

Les programmes d'échange, comme celui auquel j'ai participé, les formes d'action et d'organisation internationales communes dans la lutte pour la souveraineté alimentaire, ainsi que la connaissance et la compréhension mutuelles des différentes situations dans les différents pays et contextes, sont et resteront la base d'une lutte réussie contre le libre-échange effréné et l'agrobusiness mondial.


¹Source des chiffres : Actions pour le changement - Portefeuille ; https://mstbrasilien.de/wp-content/uploads/2018/10... ; 24.03.2020