vendredi, 09 janvier 2015

L'accord adopté le 13 décembre 2014 par les 190 pays, dont la Suisse, réunis à Lima au Pérou ne donne malheureusement aucune réponse concrète face à l'emballement de la hausse des températures de ces quatre années écoulées. Au rythme actuel d'émissions de gaz à effet de serre l'objectif d'une limitation de la hausse à 2 dégrés ne sera pas atteint.

 

 

Rappel de quelques chiffres : 

Importance de l’augmentation du CO2 et de la température: Le CO2 passé de 270 ppm en 1850 à 400 ppm en 2015. 

- Augmentation de la température: «seulement» de +0,74°C depuis 1900, avec déjà des conséquences incontestables. Les dernières prévisions du GIEC donnent plusieurs scénarios tendanciels: +2,4 à +6,4 en 2100 . 

Le phénomène est très rapide à l’échelle historique. La hausse brutale des températures engendrera des conséquences imprévisibles et aura des impacts importants sur notre ap-provisionnement alimentaire à moins d’être corrigée rapidement par un changement de nos systèmes alimentaires. Par ailleurs nos sociétés industrielles fragiles et peu résilientes sont également très exposées aux risques engendrés. C’est dans ce contexte que la lutte pour la souveraineté alimentaire telle qu’elle est proposée par l’initiative d’Uniterre en Suisse prend tout son sens. 


alimentEtClimat

Comment le système alimentaire industriel contribue à la crise climatique? 

Entre 44 % et 57 % du total des émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent du système alimentaire mondial 

Déforestation : 15 à 18 % 

Agriculture : 11-15 % 

Transports : 5-6 % 

Transformation et emballage : 8-10 % 

Congélation et vente au détail : 2-4 % 

Déchets : 3-4 % 

Autres émissions non liées à l’alimentation : 43-56% 

Pour ce qui est de l’agriculture, c’est notamment l’élevage qui est un émetteur important de gaz à effet de serre. Contrairement à l’élevage basé sur l’herbe et les protéines issues de prairies (légumineuses) c’est l’élevage hors sol, basé sur le maïs et le soja qui est nocif pour le climat. Toutefois l’impact de l’agriculture est indissociable de l’ensemble des systèmes alimentaires. 

L’alimentation ne devrait pas contribuer d’une façon aussi disproportionnée au changement climatique. L’organisation „Grain“ estime qu’une redistribution des terres dans le monde entier au profit des petits agriculteurs, combinée à des politiques destinées à soutenir les marchés locaux et à réduire l’utilisation des produits chimiques, peut permettre de réduire de moitié les émissions de GES en quelques décennies et de limiter considérablement la déforestation. En restaurant simplement la matière organique qui a été épuisée par des décennies d’agriculture industrielle, les petits agriculteurs peuvent remettre dans le sol un quart du dioxyde de carbone actuellement en excès dans l’atmosphère. 

Rendre les terres aux petits agriculteurs et aux communautés autochtones est aussi le moyen le plus efficace de relever les défis qui s’imposent pour nourrir une population mondiale croissante dans une ère de chaos climatique. Les données mondiales disponibles montrent que les petits agriculteurs sont plus efficaces pour produire de la nourriture que les grandes plantations. Avec la petite proportion des terres qu’ils ont conservées, les petits agriculteurs et les communautés autochtones continuent à produire la plus grande partie de l’alimentation dans le monde: 80 % des denrées alimentaires dans les pays non industrialisés/en développement, selon la FAO. 

Il est possible de répondre à la fois à la nécessité de nourrir le monde et à celle de refroidir la planète. Mais cela sera impossible tant que les gouvernements qui étaient réunis à Lima continuent d’ignorer les luttes des populations pour la souveraineté alimentaire. La transition vers un système agricole plus durable est rapidement réalisable mais nécessite avant tout une volonté politique. Or celle-ci fait malheureusement encore défaut.

Le système agricole en tant que partie de l’écosystème 

Le changement climatique est une affaire complexe: Il impacte et est impacté par des questions mondiales, y compris la nourriture, le commerce, la pauvreté, le développement économique, la croissance démographique, le développement durable et la gestion des ressources. Stabiliser le climat est un défi de taille qui exige organisation et progression par étape dans la bonne direction. Il n’en reste pas moins que les plus grosses questions restent ; non seulement le «combien» mais aussi le «comment» - comment réduire ces émissions, comment produire suffisamment de nourriture saine et comment produire de l’énergie propre ? 

L’agroécologie est une de ces pratiques qui se préoccupe du «comment» atténuer et s’adapter au changement climatique. L’incertitude de l’augmentation des températures, les schémas pluviométriques inhabituels, la sécheresse et l’émergence d’organismes nuisibles et de maladies exigent une forme d’agriculture qui résiste et un système de production alimentaire qui étaye le transfert des connaissances locales et soutient les expériences en exploitation pour construire une bonne adaptabilité de l’agriculteur. 

La majorité des activités d’adaptation au changement climatique sont fondées sur des pratiques biologiques. Les systèmes de production biologiques sont le meilleur exemple - et le plus répandu - d’une agriculture à basses émissions. Les systèmes biologiques sont plus endurants que leurs pendants industriels en terme de résistance aux chocs et tensions environnementaux - y compris la sécheresse et les inondations. L’agriculture conventionnelle émet un taux élevé de carbone suite à l’utilisation à outrance de combustibles fossiles et détruit la biodiversité. Pour l’agriculture, l’idée est d’évoluer vers des modèles agroécologiques de production qui permettent une forte économie de combustibles fossiles, présentent un excellent potentiel d’atténuation par le renouvellement du sol, de la faune et de la flore et ont la flexibilité ainsi que la diversité requise pour s’adapter à des changements de conditions. 

En fait, l’agriculture peut contribuer au refroidissement de la planète de trois manières : en réduisant l’utilisation de combustibles fossiles (en réduisant et/ ou éliminant complètement les intrants chimiques et de synthèse ainsi que leur production) et des engins et moyens de transport utilisant un combustible fossile. L’effet sur la biodiversité sera ainsi positif et ralentira l’émission de carbone biotique. L’agroécologie peut grandement influencer de manière positive le changement climatique en construisant: 

* La résilience de l’agro-écosystème qui considérerait cohérence et durabilité des récoltes - même et surtout - avec le changement climatique; 

* La résilience des revenus qui parviendrait à diversifier les options de revenu par l’élevage de volailles, de bétail, la pisciculture, etc. 

Ceci aide également à la décrocher les pratiques agricoles de la volatilité et de l’instabilité des marchés tout en conservant les atouts sur l’exploitation et en réduisant ou éradiquant la dépendance aux intrants. L’agroécologie en petite exploitation est non seulement une réponse efficace aux défis agricoles complexes mais aussi un moyen peu coûteux pour augmenter les rendements sans apport extérieur à l’exploitation. 

De plus elle n’exige pas beaucoup de travail supplémentaire, elle est à basse émission et permet un contrôle local sur les décisions de production. Elle offre ainsi un choix de souveraineté alimentaire par rapport à la monoculture actuelle pour enrayer la crise alimentaire. Plusieurs caractéristiques que l’on retrouve dans des espèces locales ou indigènes gagnent en importance au fur et à mesure que le changement climatique altère l’environnement et affecte les produits. 

Les graines et récoltes locales ont une meilleure chance de survie dans leur propre milieu face au changement des conditions climatiques. Leur protection, avec celle du savoir-faire local, sont essentielles à leur gestion ainsi que leur élevage et vitales à notre future subsistance 

5 étapes pour refroidir la planète et nourrir sa population 

1.Prendre soin des sols 

L’équation alimentation/climat plonge ses racines dans la terre. Le développement de pratiques agricoles non durables au cours du siècle dernier a conduit à la destruction de 30 à 75 % de la matière organique sur les terres arables, et 50 % de la matière organique sur les pâturages et les prairies. Cette perte massive de matière organique est responsable de 25 à 40 % de l’excédent actuel de CO2 dans l’atmosphère de la terre. Mais la bonne nouvelle est que le CO2 que nous avons envoyé dans l’atmosphère peut être remis dans le sol, tout simplement en rétablissant les pratiques que les petits agriculteurs mettent en oeuvre depuis des générations. Si des politiques et des mesures incitatives adaptées étaient mises en place dans le monde entier, les teneurs en matière organique des sols pourraient être rétablies aux niveaux de l’agriculture préindustrielle dans un délai de 50 ans, soit à peu près le temps que l’agriculture industrielle a pris pour les réduire. Cela permettrait d’éliminer entre 24 et 30 % du total des émissions des gaz à effet de serre. 

2.Une agriculture naturelle sans produits chimiques 

L’utilisation des produits chimiques dans les exploitations industrielles est en perpétuelle augmentation, à mesure que les sols s’appauvrissent et que les ravageurs et les mauvaises herbes deviennent résistants aux insecticides et aux herbicides. Les petits agriculteurs du monde entier, cependant, disposent encore des connaissances et de la diversité des cultures et des élevages nécessaires pour assurer une culture productive sans l’utilisation de produits chimiques, en diversifiant les systèmes de culture, en combinant production végétale et animale, et en intégrant des arbres et une végétation sauvage. Ces pratiques améliorent le potentiel productif des terres parce qu’elles améliorent la fertilité des sols et empêchent leur érosion. Chaque année, de la matière organique s’accumule dans le sol, ce qui permet de produire de plus en plus de denrées alimentaires. 

3.Réduire les «kilomètres alimentaires» et privilégier les aliments frais. 

La logique d’entreprise qui se traduit par des transports de denrées alimentaires autour du monde dans les deux sens, n’a pas de sens du point de vue de l’environnement, ni d’aucun autre point de vue d’ailleurs. Le commerce mondial des produits alimentaires, qu’il s’agisse du défrichage de vastes étendues de terres et de forêts pour produire des produits agricoles ou des aliments surgelés vendus dans les supermarchés, est le principal responsable de la contribution disproportionnée du système alimentaire aux émissions de GES. Une grande partie des émissions de GES du système alimentaire peut être éliminée si la production alimentaire est réorientée vers les marchés locaux et les aliments frais, en tournant le dos aux viandes bon marché et aux aliments transformés. Mais la bataille pour y parvenir est probablement la plus difficile, tant les grandes entreprises et les gouvernements sont profondément déterminés à développer le commerce des produits agro-alimentaires. 

4. Rendre la terre aux agriculteurs et arrêter les méga-plantations 

Au cours des 50 dernières années, quatre cultures principalement pratiquées dans de grandes plantations (soja, huile de palme, colza et canne à sucre) ont envahi une énorme superficie de 140 millions d’hectares, la taille de la presque totalité des terres agricoles en Inde. La superficie occupée au niveau mondial par ces quatre cultures industrielles et quelques autres, toutes bien connues pour leurs émissions de gaz à effet de serre, est appelée à poursuivre sa croissance si les politiques ne changent pas. Aujourd’hui, les petits agriculteurs sont confinés dans moins d’un quart des terres agricoles mondiales, mais ils continuent à produire la plus grande partie de l’alimentation dans le monde : 80 % des denrées alimentaires dans les pays non industrialisés, selon la FAO. Les petits agriculteurs produisent ces denrées alimentaires beaucoup plus efficacement que les grandes plantations, et par des moyens qui sont meilleurs pour la planète. Une redistribution des terres dans le monde entier au profit des petits agriculteurs, combinée à des politiques destinées à les aider à rétablir la fertilité des sols et à soutenir les marchés locaux, peut permettre de réduire de moitié les émissions de GES en quelques décennies. 

5.Oublier les fausses solutions, se concentrer sur ce qui fonctionne 

Il est de plus en plus largement reconnu que l’alimentation est au coeur du changement climatique. Les derniers rapports du GIEC et les plus récents sommets internationaux ont reconnu que l’alimentation et l’agriculture sont les principaux facteurs d’émissions de GES et que le changement climatique pose d’énormes défis à notre capacité de nourrir une population mondiale croissante. Pourtant, aucune volonté politique n’est venue remettre en cause le modèle dominant de la production alimentaire industrielle et de sa distribution. Au lieu de cela, les gouvernements et les grandes entreprises proposent un certain nombre de fausses solutions. Il y a par exemple la coquille vide de l’« Agriculture intelligente face au climat », qui est pour l’essentiel un nouveau nom pour la Révolution verte. Il y a aussi de nouvelles technologies à risque, comme des cultures d’organismes génétiquement modifiés pour résister à la sécheresse ou des projets de géo-ingénierie à grande échelle. Il y a encore des objectifs sur la part des biocarburants, qui entraînent un accaparement des terres dans les pays du Sud. Et il y a enfin des marchés du carbone et des projets REDD +, qui permettent essentiellement aux pires émetteurs de GES d’éviter de réduire leurs émissions en transformant les forêts et les terres agricoles des paysans et des peuples indigènes en parcs de conservation et en plantations. Aucune de ces « solutions » ne peut fonctionner parce que toutes vont à l’encontre de la seule solution efficace : le passage d’un système alimentaire industriel mondialisé soumis au pouvoir des grandes sociétés à des systèmes alimentaires locaux aux mains de petits agriculteurs. 

 

(source : www.viacampesina.org)