samedi, 23 septembre 2017
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Les bactéries qui développent la capacité de survivre à un traitement aux antibiotiques ont l’avantage, elles se multiplient, tandis que les autres meurent. Cette sélection produit un nombre croissant de bactéries résistantes. Pour leur part, les antibiotiques sont répartis en différentes classes en fonction de leur façon d’agir. Ainsi, lorsqu’un antibiotique n’est plus efficace, il est possible d’utiliser un médicament d’une autre classe. Cependant, aucune nouvelle classe d’antibiotiques n’a été découverte depuis 30 ans. Il est d’autant plus important de sauvegarder l’efficacité des médicaments existants. Les antibiotiques les plus récents doivent être utilisés de façon particulièrement restrictive, afin de ne pas perdre de leur efficacité (les antibiotiques dits de réserve). L’utilisation excessive et parfois inappropriée d’antibiotique au cours des dernières années et décennies a conduit au développement de souches bactériennes résistantes contre tous ou quasiment tous les antibiotiques.

En Europe, le nombre de décès lié à une infection de bactéries résistantes est estimé à 25 000. Dans ce contexte, le Conseil fédéral et tous les Offices fédéraux compétents ont été impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie Antibiorésistance Suisse (StAR), avec l’objectif de maintenir l’efficacité des antibiotiques dans la médecine humaine et vétérinaire. La santé humaine, la santé animale et la santé environnementale sont trois éléments étroitement liés qui s’influencent mutuellement. L’approche One Health favorise la coopération de ces différents domaines afin de préserver la santé de tous.

Les mesures de la stratégie sont réparties en huit domaines d’action

  • Surveillance : La distribution et l’utilisation d’antibiotiques, ainsi que les occurrences de résistances doivent faire l’objet d’une surveillance systématique. Cette démarche permet aussi d’évaluer le succès des mesures mises en œuvre.
  • Prévention : Lorsque l’on n’utilise pas d’antibiotiques, il ne peut y avoir des résistances. Ce domaine d’action vise à réduire les infections en améliorant l’hygiène et la gestion dans la médecine humaine ; dans l’élevage, des mesures comme l’amélioration de l’hygiène, l’optimisation des conditions de détention et la mise au point de traitements alternatifs comme les vaccinations permettent également de limiter l’emploi d’antibiotiques.
  • Utilisation rationnelle des antibiotiques : L’utilisation d’antibiotiques ne peut être évitée complètement. Cependant, lorsqu’elle devient nécessaire, il faut utiliser le médicament le plus efficace selon l’état des connaissances actuelles. Des directives précises et strictes concernant la remise et l’administration des antibiotiques critiques seront introduites, afin de préserver leur efficacité.
  • Lutte contre la résistance : Les résistances doivent être identifiées rapidement pour empêcher leur propagation.
  • Recherche et développement : Il existe des lacunes en matière de connaissances concernant l’apparition et la propagation des résistances. La recherche et le développement dans ce domaine, ainsi que les nouvelles découvertes en matière de diagnostic ou de substances antimicrobiennes sont soutenus.
  • Coopération : La coopération à l’échelle politique, scientifique et économique, ainsi qu’entre les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, l’agriculture et l’environnement sera encouragée selon l’approche One Health.
  • Information et formation : La connaissance sur les antibiorésistances et leur prévention au sein de la population et des professionnels seront améliorées.
  • Conditions générales : Il s’agit d’éviter la création de mécanismes du marché ou d’incitatifs économiques qui vont à l’encontre de cette stratégie.1

En œuvre depuis 2016

La StAR a été approuvée par le Conseil fédéral en 2015, elle est mise en œuvre depuis 2016. Les productrices et producteurs ont pu constater quelques conséquences de cette mise en œuvre, en particulier l’interdiction de la remise d’antibiotiques de prophylaxie (protection de la mamelle) ou à titre de stocks. Bien que ces mesures ne soient pas toujours faciles à mettre en œuvre, elles sont importantes à long terme. Parallèlement, des projets de recherche en cours vont démontrer qu’une amélioration des conditions de détention et des mesures de prophylaxie peuvent contribuer à une réduction de l’utilisation d’antibiotiques. L’utilité de ces mesures peut sembler évidente à certains, mais ces travaux de recherche sont tout de même importants, puisqu’ils serviront de base d’argumentation pour une amélioration des conditions de détention.

Vigilance de mise

Dans la théorie, le programme de la StAR est excellent, mais il faut rester vigilant. En particulier dans le domaine des incitatifs économiques, le potentiel d’amélioration reste important. Au cours des dernières années, certains antibiotiques ont disparu du marché ; leur homologation étant échue, les entreprises pharmaceutiques ne voulaient pas supporter les frais importants d’un renouvellement de l’homologation. En revanche, certains nouveaux médicaments apparaissent sur le marché. Ils contiennent des antibiotiques de réserve et sont vendus à prix attrayant. Ce développement contribue uniquement à l’augmentation des bénéfices des entreprises, il est en contradiction frappante avec le concept d’une utilisation prudente. S’il est plus facile d’utiliser des antibiotiques de réserve, le risque est grand que leur utilisation devienne courante.

La prophylaxie connaît également différentes approches. Réduire l’utilisation d’antibiotiques pour améliorer la santé des animaux est une bonne alternative. Toutefois, de certains pays nordiques nous arrivent aussi des exemples moins bons : en réduisant l’introduction de germes par une plus grande industrialisation de l’élevage et une isolation des troupeaux de l’environnement, comme nous le connaissons déjà partiellement pour l’élevage de porc en Suisse. Un développement dans cette direction peut être judicieux dans le cadre de la problématique des antibiorésistances, mais il n’apportera certainement aucune amélioration pour le bien-être des animaux.

L’approche globale de la StAR est essentielle et reflète le constat que cette problématique n’est pas uniquement la faute des producteurs et des vétérinaires. La production animale tellement intensive qu’elle ne peut se passer d’antibiotiques n’est pas la seule responsable ; les phénomènes d’antibiorésistance résultent également de l’utilisation inconsidérée dans la médecine humaine. Ces problèmes sont causés par toute la population et doivent être traités dans ce sens. Dans la mise en œuvre, il faut aller plus loin que gronder ceux qui utilisent des antibiotiques. Les entreprises pharmaceutiques et les distributeurs doivent également rendre des comptes. Lorsqu’il s’agira de rédiger les directives sur l’utilisation d’antibiotiques importants, il faudra également établir des règles sur la production et la commercialisation de ces médicaments.

Lara Moser est membre d’Uniterre, elle travaille en tant qu’assistante clinique au Département pour la médecine vétérinaire clinique à la Clinique des ruminants de l’Université de Berne.



1: https://www.bag.admin.ch/dam/bag/de/dokumente/mt/star/strategie-star.pdf.download.pdf/strategie-antibiotikaresistenzen-ch.pdf