Souvenez vous, au mois d'avril, nous avons envoyé le courrier suivant au Conseiller Fédéral Parmelin suite aux annonces de ce dernier du 1er avril visant à faciliter certaines importations pour faire face à la crise actuelle du COVID-19. Ces mesures ne sont pas acceptables!
Vous trouverez au lien ici la réponse que nous avons reçu.
En voici quelques extraits ainsi que nos réactions :
Voici notre réaction par rapport à la filière viticole :
Les vins suisses ont perdu depuis le milieu des années nonante 40 à 50 millions de litres de part de marché. Sur une consommation de 310 millions de litre à la fin des années quatre vingt, la consommation des vins suisses était de 125 à 130 millions de litres. En 2019, la consommation était d’environ 250 millions de litres pour une part de seulement 85 millions de litres pour les vins suisses.
Cette diminution des parts de marché peut s’expliquer par les moyens mis par les vins étrangers, notamment européens, pour leur promotion en suisse. Mais ces grands moyens n’expliquent pas à eux seul le problème.
D’une part la réglementation des importations a changé en 1993 suite au référendum de la maison Denner contre l’arrêté viticole. La conséquence a été l’abandon de l’attribution des parts du contingent d’importation selon les prestations à la production suisse.
A elle seule, cette modification est responsable pour une large part de la perte des parts de marché. Cette mesure était encore la seule protection pour les vins suisses face à la distorsion de concurrence des vins à bas prix. Depuis, le vin est le seul produit agricole suisse ne bénéficiant d’aucune mesure de protection.
D’autre part, la consommation ayant perdu environ 50 à 60 millions de litres, le volume de 170 millions de litres du contingent tarifaire doit être reconsidéré.
Jusqu’au début du XXI siècle, le commerce transfrontalier ne pesait pas beaucoup sur les affaires du commerce suisse et l’importation par des particuliers bénéficiait d’une franchise de 2 litres par jour et par personne. Mais en 2014, la confédération, dans un souci de simplification des procédures douanières, a trouvé juste de mettre cette franchise à 5 litres, soit l’équivalent par jour et par personne d’un carton de 6 bouteilles. Pour un marché qui représente, selon les estimations, plus de 13 milliards de francs, c’est un coup de poignard dans le dos des vignerons suisses.
Monsieur le Conseiller fédéral et ancien vigneron, vous savez très bien que le marché des vins est déséquilibré et que la production suisse est la grande perdante.
Nous ne pouvons que vous répéter que la viticulture suisse a besoin de ce rééquilibrage et que c’est l’application de l’article 22 de la loi sur l’agriculture alinéa b « attribution des parts de contingent selon les prestations à la production suisse » qui doit être appliqué au plus vite.
Le volume du contingent tarifaire doit être adapté à la consommation actuelle avec un volume ramené à 100 millions de litres.
Et enfin, la franchise de douane de 5 litres par jour et par personne doit retrouver la valeur d’avant 2014, soit 2 litres par jour et par personne.
Voici notre réaction par rapport à la filière viande :
Dans sa réponse à notre courrier, le conseiller fédéral Guy Parmelin met en avant le fait que le CF ne disposerait d’aucune compétence pour freiner les importations, et qu’il n’a fait, avec l’OFAG, que répondre à la demande de Proviande de prolonger la période des importations.
Nous voyons toutefois au moins 2 bonnes raisons pour lesquelles le CF aurait pu intervenir en faveur des paysannes et paysans suisses.
Dès le début de la crise sanitaire, la fermeture des restaurants a entraîné un effondrement de la demande. La chute des prix ne s’est pas faite attendre et a touché de nombreux éleveurs de bétail. Ce sont pourtant les importateurs et les industriels qui ont bénéficié d’aide sous la forme d’un soutien financier à la congélation. Où est la logique ?
Si le raisonnement du CF se justifie par la crainte d’un défaut de l’approvisionnement, alors il est temps que nos autorités réfléchissent à plus long terme et commencent par le b.a.-ba : c’est en soutenant la filière locale grâce à des prix équitables que l’on évitera le danger de la pénurie. C’est élémentaire ! Cela est même inscrit dans la Loi sur l’Agriculture, puisque les agriculteurs doivent disposer d’un revenu comparable à la moyenne des emplois de leur région, or ce n’est que très rarement le cas.
D’un point de vue plus général, les importations de viande à bas prix, en provenance d’Amérique du Sud bien souvent, répondent certes à la logique capitaliste de notre gouvernement, mais ignorent totalement la votation populaire de septembre 2017 sur la sécurité alimentaire, qui demande que les importations se fassent sur la base de critères de durabilité. Or il n’y a rien de durable dans les productions industrielles du Brésil ou d’Argentine.
La crise sanitaire est la preuve flagrante que nous devons penser autrement nos systèmes alimentaires.
L’organisation faitière du marché laitier (l’IP Lait) devrait gérer le marché laitier. Pourtant, elle n’a jamais fait respecter son propre règlement (cf. annexe p. 2-3). L’organisation de défense des producteurs suisses de lait (Fédération des Producteurs Suisses de Lait = FPSL = Swissmilk), malgré d’importantes cotisations[1], n’est pas capable de faire remonter le prix du lait. Pourtant, avec l’actuelle pénurie de beurre, cette augmentation devrait se faire automatiquement. Le prix moyen payé aux producteur.trice.s de lait couvre actuellement moins de la moitié des coûts de production[2]. De plus, la FPSL est membre de l’organisation sectorielle du beurre (34 % des parts) et a, à ce titre, acheté les droits d’importation des 1000 premières tonnes de beurre. Comment peut-elle défendre les producteur.trice.s de lait dans ces conditions ? Il s’agit d’un conflit d’intérêts grave qui porte préjudice à une vraie défense des producteur.trice.s de lait (cf. annexe p. 5-6) ! Les directions de nos organisations régionales comme par exemple Prolait ou Genossenschaft Zentralschweizer Milchproduzenten (ZMP) défendent-elles réellement leurs membres ? Sont-elles impartiales (cf. annexe p. 8-9) ?
Cette situation dure depuis bien trop longtemps et détruit la filière du lait de centrale en Suisse. Dégoutés et épuisés, les producteur.trice.s de ce secteur arrêtent les uns après les autres (1995 : 44’360 producteur.trice.s de lait en Suisse ; 2019 : 19’048 soit une diminution de plus de 50 % (57 %) du nombre de producteur.trice.s de lait en 25 ans). L’ouverture de la « ligne blanche » (=suppression des taxes douanières) n’est qu’à deux doigts de devenir une réalité : pour preuve, les demandes d’importations de beurre en chaîne : une nouvelle demande d’importation de 1800 tonnes de beurre a été faite par IP Lait, qui a été acceptée par l’OFAG ce 11 août. Cela suffit !
Nous demandons :
- Une refonte totale de l’IP Lait et de sa façon de fonctionner, en prenant exemple sur les interprofessions qui fonctionnent bien (ex. l’interprofession du Gruyère)
- En ce qui concerne la FPSL, des cotisations indexées sur le prix du lait départ ferme et des délégués représentant réellement leur base, SANS DOUBLE CASQUETTE, avec des durées de mandats limitées.
- En ce qui concerne les organisations régionales, sans pool laitier et sans indépendance véritable, elles n’ont pas leur raison d’être.
- Une revalorisation immédiate du prix du lait. Nous revendiquons un prix du lait qui couvre les coûts de production ; et non pas une augmentation de prix homéopathique et ridicule comme annoncée chez certains transformateurs pour début juillet (entre 0,6 et 1 ct par litre de lait). C’est une honte !
- L’abandon du lait segment B et du versement de la prime fromagère sur ce segment (versée illégalement !) (cf. annexe p. 4).
- La mise en place, par la Confédération, d’une loi obligeant à ce que les produits soient achetés à un prix couvrant les coûts de production afin que la grande distribution arrête le dumping sur le dos des producteur.trice.s et la pression constante mise sur les transformateurs. Il est inadmissible que le lait coûte moins cher que l’eau !
La pénurie actuelle de beurre est l’exemple même du dysfonctionnement de la filière laitière ! Prix du lait insuffisant ® moins de producteur.tice.s ® moins de production laitière, et en plus, une mauvaise mise en valeur du lait pour les producteur.trice.s.
A nos collègues producteur.trice.s de lait, qui voient leur revenu s’effondrer depuis 30 ans (passage d’un prix garanti de 1,07 frs à un prix moyen de 55 cts aujourd’hui) : N’est-il pas temps d’exiger, en contrepartie de nos cotisations, une véritable défense professionnelle ?
[1] moyenne par producteur.trice.s de lait = 2290 frs/an ; soit 23,15 mio /an
[2] Selon Agridea, mise en valeur 2019 : le coût de production en plaine s’élève à 1,09 frs
La Via Campesina a publié un livret illustré de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
Un appel à la raison
En avril, nous avons interpellé le Conseiller fédéral Guy Parmelin dans une lettre ouverte où nous dénoncions les aberrations des décisions récentes concernant les importations, de viande de bœuf et d’œufs en particulier.
En avril également, nous avons fait connaître notre totale opposition à l’importation d’un contingent de 1000 tonnes de beurre pour faire face à la pénurie annoncée sur le marché indigène, une demande formulée par l’IP lait.
En mars, nous nous sommes battus aux côtés des maraicher.ère.s pour obtenir la réouverture des marchés dans les villes, avec succès heureusement.
C’est un appel à la raison et au bon sens que nous formulons au gré de nos revendications. La crise du coronavirus révèle sans ambiguïtés nos besoins les plus primaires : être en sécurité, se nourrir, se désaltérer, conserver sa dignité humaine. Quand l’improbable se produit, et que les frontières se ferment, être autonome c’est être libre. Alors que la digitalisation nous offre sur un plateau la mondialisation à faible coût, pour une nation riche comme la nôtre, le choc fut d’autant plus frappant lorsque nous avons réalisé que nous étions bien peu de chose sans les apports de pays lointains, dont nous exploitons les ressources sans vergogne : main d’œuvre, production agricole, production de biens courants.
Sous couvert d’assurer la sécurité des citoyen.ne.s, la classe politique a réagi de façon somme toute prévisible. Faciliter les importations, c’est une réaction dans l’urgence. Fermer les marchés urbains, c’est éviter de trop réfléchir aux solutions possibles pour soutenir les producteur.rice.s. Et distribuer des milliards, parce que du temps, il en manquait peut-être, mais de l’argent, certainement pas. Tant mieux si cela a permis de sauver nos PME.
De nombreux.se,s citoyen.ne.s ont présenté cependant une réaction diamétralement différente. Ils ont osé la réflexion et la solidarité. Ils ont repris le chemin des fermes pour se nourrir localement. Ils ont confectionné des masques en tissu, avec ce qu’ils avaient à disposition. Ils se sont improvisé enseignantes. Ils ont répondu à l’appel des centres hospitaliers pour offrir un soutien bénévole aux équipes soignantes. Ils ont usé de leur talent pour témoigner de leur reconnaissance envers tous les métiers indispensables, ceux qui sont les plus mal payés aussi. Ils se sont occupés des personnes âgées ou vulnérables.
Face à l’inconnu de la crise sanitaire, la meilleure chance d’un peuple pour recouvrer ou conserver son autonomie, c’est la solidarité, le partage et l’action commune. Pour de nombreux.se.s Suisse.sse.s, ce fut d’abord une obligation. Mais dans bien des cas, cela a fini par devenir un plaisir, et donner une nouvelle saveur à la vie.
Vanessa Renfer, paysanne et secrétaire Uniterre
Un appel à la raison
En avril, nous avons interpellé le Conseiller fédéral Guy Parmelin dans une lettre ouverte où nous dénoncions les aberrations des décisions récentes concernant les importations, de viande de bœuf et d’œufs en particulier.
En avril également, nous avons fait connaître notre totale opposition à l’importation d’un contingent de 1000 tonnes de beurre pour faire face à la pénurie annoncée sur le marché indigène, une demande formulée par l’IP lait.
En mars, nous nous sommes battus aux côtés des maraicher.ère.s pour obtenir la réouverture des marchés dans les villes, avec succès heureusement.
C’est un appel à la raison et au bon sens que nous formulons au gré de nos revendications. La crise du coronavirus révèle sans ambiguïtés nos besoins les plus primaires : être en sécurité, se nourrir, se désaltérer, conserver sa dignité humaine. Quand l’improbable se produit, et que les frontières se ferment, être autonome c’est être libre. Alors que la digitalisation nous offre sur un plateau la mondialisation à faible coût, pour une nation riche comme la nôtre, le choc fut d’autant plus frappant lorsque nous avons réalisé que nous étions bien peu de chose sans les apports de pays lointains, dont nous exploitons les ressources sans vergogne : main d’œuvre, production agricole, production de biens courants.
Sous couvert d’assurer la sécurité des citoyen.ne.s, la classe politique a réagi de façon somme toute prévisible. Faciliter les importations, c’est une réaction dans l’urgence. Fermer les marchés urbains, c’est éviter de trop réfléchir aux solutions possibles pour soutenir les producteur.rice.s. Et distribuer des milliards, parce que du temps, il en manquait peut-être, mais de l’argent, certainement pas. Tant mieux si cela a permis de sauver nos PME.
De nombreux.se,s citoyen.ne.s ont présenté cependant une réaction diamétralement différente. Ils ont osé la réflexion et la solidarité. Ils ont repris le chemin des fermes pour se nourrir localement. Ils ont confectionné des masques en tissu, avec ce qu’ils avaient à disposition. Ils se sont improvisé enseignantes. Ils ont répondu à l’appel des centres hospitaliers pour offrir un soutien bénévole aux équipes soignantes. Ils ont usé de leur talent pour témoigner de leur reconnaissance envers tous les métiers indispensables, ceux qui sont les plus mal payés aussi. Ils se sont occupés des personnes âgées ou vulnérables.
Face à l’inconnu de la crise sanitaire, la meilleure chance d’un peuple pour recouvrer ou conserver son autonomie, c’est la solidarité, le partage et l’action commune. Pour de nombreux.se.s Suisse.sse.s, ce fut d’abord une obligation. Mais dans bien des cas, cela a fini par devenir un plaisir, et donner une nouvelle saveur à la vie.
Vanessa Renfer, paysanne et secrétaire Uniterre
Et après ?
Nous écrivons cet éditorial en pleine phase de confinement avec l’espoir qu’au mois de mai, tout le monde aura pris conscience notre dangereuse dépendance aux importations (aliments, combustibles, matières premières pour les entreprises et l’industrie pharmaceutique, etc.). Pour exemple, le 3 avril 2020, la Russie, premier exportateur mondial de blé, a décidé de limiter ses exportations de plusieurs variétés de céréales, dont le blé jusqu'au 30 juin. Cela prouve bien qu’en cas de pénurie, l’intérêt national prime sur tout autre.
Martina Brun écrit que la pandémie est un révélateur des faiblesses de notre système : notre dépendance aux importations subordonne la Suisse au bon vouloir et aux stratégies politiques de pays tiers, surtout en temps de crise ! La Suisse doit donc tout mettre en œuvre pour augmenter son autonomie et son autosuffisance alimentaire. Pour cela il faut une politique agricole forte qui soutienne la production nationale et les circuits courts qui sont très résilients.
Notre forêt est une richesse à préserver et valoriser! Puits de carbone très efficace, elle recèle aussi un potentiel intéressant comme bois de chauffage (augmentation de l’autonomie énergétique) et de construction. La filière du bois suisse doit être renforcée pour que les métiers liés à la forêt et au bois puissent perdurer et se développer autour d’une filière locale saine.
Nous espérons que les décideurs politiques et les acteurs économiques reconnaitront le bien-fondé des revendications pour un changement en profondeur de notre système. Des revendications qui pour certaines sont martelées depuis des décennies dans la sourde indifférence du monde économique et des gouvernements. Lors des « Assises pour une agriculture solidaire », les quelque 200 personnes présentes ces 2 jours ont témoigné de l’importance qu’elles accordent à une agriculture locale, source de liens, respectueuse de la nature et des animaux. Respectueuse des hommes et des femmes : paysan.ne.s et ouvrier.ère.s, en Suisse ou ailleurs dans le monde. Toutes et tous doivent bénéficier d’un salaire et de conditions sociales leur permettant de vivre dignement !
Ainsi, il est inadmissible que nous consommions des fruits et légumes qui cassent les prix de la production indigène et sont produits et récoltés par des ouvrier*ères sous-payés, sans assurances et sans protections. Il est inadmissible que nous consommions de la viande importée, transportée sur des milliers de kilomètres et débitée dans le pays d’origine par des travailleurs*ses à la chaîne ! En important et consommant ces produits, nous sommes co-responsables de drames humains ! Betty Wienforth relate la situation des paysan.ne.s sans terre au Brésil et leur combat pour (sur)vivre dans ce pays qui ne soutient que les grands et les riches.
Il est temps de développer un système basé sur la solidarité, l’équité, la durabilité et la responsabilité. Il est temps que tous les acteurs des filières, y compris la grande distribution, rendent des comptes sur les impacts de leurs stratégies commerciales sur les familles paysannes, les ouvriers*ères dans les champs, dans les unités de transformation, d’emballage et de frêt.
Michelle Zufferey, Secrétaire Uniterre
Betty Wienforth, maraîchère aux Jardins de Cocagne
Dans le cadre d'un échange entre Uniterre et le mouvement brésilien des sans-terre "Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra" (MST), j'ai passé trois semaines dans les États brésiliens de Sao Paulo et de Santa Catarina à la fin de 2019. Pour mieux connaître le MST dans les domaines de l'organisation, de la production et de la commercialisation, il était nécessaire de comprendre l'orientation politique et l'histoire du mouvement des sans-terre.
Un mouvement de petits agriculteurs comptant 1,5 million de membres¹.
Depuis une trentaine d'années, le mouvement social se bat pour la terre, les changements sociaux et la réforme agricole. Dans le contexte brésilien, où 46 % des terres utilisables appartiennent à 1% des propriétaires terriens et où l'industrie agricole repose principalement sur l'exportation de soja, de maïs, de canne à sucre et de bétail, sans aucune considération pour la population ou les ressources naturelles, le MST représente une opposition importante. Avec environ 1,5 million de membres, l'influence du MST est évidente bien au-delà des questions de droits fonciers.
J'ai pu constater dès le début de mon voyage, lors de ma visite au camp "Marielle vive", à quel point le MST peut changer la vie des personnes qui y participent. Ceux qui décident d'aller au MST prennent part à une occupation (non violente) de la terre et s'installent dans le camp de tentes pour organiser leur nouvelle vie ensemble et enfin et surtout pour cultiver leur propre parcelle de terre.
La diversité est pratiquée ici
Actuellement, environ 130 000 familles vivent dans ces camps et 380 000 autres familles dans des colonies (occupations de terres légalisées). Au cours de mes nombreuses rencontres, j'ai fait la connaissance de personnes très différentes, comme des personnes d'origine européenne ou africaine, des chrétien.ne.s, des homosexuel.le.s assumé.e.s ou même des marxistes et bien sûr des personnes qui ne peuvent pas être classées dans un seul groupe. Cette énorme diversité n'est peut-être pas surprenante, puisque la société brésilienne est tout aussi diverse. Ce qui est remarquable, cependant, c'est avec quelle évidence et avec quel respect pour chaque individu, les gens du MST essaient de vivre ensemble et de s'organiser de façon démocratique à la base. Le désir d'une vie meilleure et autodéterminée et le sentiment d'appartenance à la classe ouvrière semblent être les éléments fédérateurs ici. Le moyen de réalisation concret est la production agricole sur leurs propres terres.
Différentes formes de production et de commercialisation
Les formes de production et de commercialisation des membres du MST sont aussi différentes que les personnes qui y travaillent. Au cours de mon voyage, j'ai pu visiter diverses entreprises agricoles. D'une très grande coopérative laitière à un petit collectif de culture de légumes en passant par une simple entreprise familiale, tout était là. En tant que formes de production innovantes, j'ai appris davantage sur l'agroforesterie et l'agroécologie. Les formes de commercialisation que j'ai pu connaître allaient de l'agriculture solidaire aux négociations avec les chaînes de supermarchés, en passant par la commercialisation et le programme de cantine scolaire brésilien. Préoccupé par la diminution des marchés de vente (en particulier ceux de l'État), le MST tente actuellement de créer ses propres boutiques, qui doivent servir à la fois de points de rencontre marketing et socioculturels. En outre, les possibilités d'exportation de certains produits sélectionnés sont également envisagées.
La situation politique actuelle au Brésil et le renforcement des grands propriétaires terriens et de l'agro-industrie qui en résulte inquiètent beaucoup les gens du MST. Préoccupation pour leur existence économique, leur liberté personnelle et la poursuite du mouvement.
17 avril, Journée internationale des luttes paysannes
N'oublions pas l'occasion malheureusement très triste qui a amené la "Via Campesina" à proclamer la journée internationale des luttes paysannes. Le 17 avril 1996, dans l'État du Parà, 19 membres du MST ont été assassinés par la police militaire brésilienne dans le cadre de leur lutte pour le droit à la terre.
Les programmes d'échange, comme celui auquel j'ai participé, les formes d'action et d'organisation internationales communes dans la lutte pour la souveraineté alimentaire, ainsi que la connaissance et la compréhension mutuelles des différentes situations dans les différents pays et contextes, sont et resteront la base d'une lutte réussie contre le libre-échange effréné et l'agrobusiness mondial.
¹Source des chiffres : Actions pour le changement - Portefeuille ; https://mstbrasilien.de/wp-content/uploads/2018/10... ; 24.03.2020
Aujourd’hui le 22 juin 2020 à 11 heures, 59’928 signatures validées ont été remises à la Chancellerie fédérale à Berne. Les dernières semaines ont montré que l'Indonésie n'est pas disposée à mettre en oeuvre des normes
écologiques et sociales pour empêcher la destruction des forêts primaires riches en espèces.
Chaque année, environ un million d'hectares sont défrichés pour la monoculture de l'huile de palme, entre autres. Ce désert "vert" s'étend déjà sur près de 17 millions d'hectares, soit quatre fois la superficie de la Suisse et près de 10 % de l'Indonésie. D'autres lois et ordonnances doivent être mises en place dans la discussion sur les nouvelles concessions aux exploitations minières et d’extraction de charbon, les projets d'infrastructure, la cellulose et la sylviculture avec des conséquences dévastatrices pour le climat et l'environnement, les petits paysans et les peuples indigènes. Ronja Jansen, des Jeunes Socialistes, critique vivement l'accord. "Cet accord de libre-échange est un contrat des puissants. Nous ne devons pas nous laisser tromper : Les belles promesses de
durabilité qu'il contient ne valent pas grand-chose si des contrôles stricts ne sont pas garantis".
Le douteux accord de libre-échange de l'AELE n'apporte guère d'avantages significatifs à l'économie locale
d'exportation. La Suisse ferait bien d'oeuvrer plutôt pour un commerce véritablement équitable et durable.
Willy Cretegny, viticulteur bio et initiateur du référendum, déclare à l'occasion de la remise des signatures :
«Les manifestations pour le climat qui ont rassemblé des milliers de personnes dans le monde doivent
déboucher sur des véritables changements. Nous devons produire autrement, nous devons consommer
autrement, nous devons respecter notre environnement dans sa globalité, c’est-à-dire la nature, les ressources,
le paysage, les droits humains, le tissu qu’il soit social ou économique. Ce référendum est une pierre de ce
nouvel édifice que nous voulons construire ensemble ! »
Par Vanessa Renfer, paysanne et secrétaire d’Uniterre
Pour bien comprendre comment fonctionne le marché du bois en Suisse, je me suis rendue dans l’Arc jurassien où j’ai pu m’entretenir avec Jean-Claude, scieur indépendant. Il a souhaité garder l’anonymat. Il dirige depuis de nombreuses années une scierie bien implantée dans sa région, et il met un point d’honneur à n’utiliser que du bois local. Sa spécialité est d’être en mesure de proposer toutes sortes de façonnage, de façon à pouvoir répondre aux demandes les plus diverses. Ce sont plus de 2’500 m3 de bois par année qui passent au travers de ses machines pour être sciés, rabotés et façonnés. Ce sont des produits aux dimensions standards qui sont fabriqués, mais également des articles plus spécifiques.
Préserver le capital forestier
A la question des impacts des changements climatiques sur son travail, Jean-Claude estime ne pas être tellement touché pour le moment. En effet, les garde-forestiers avec qui il collabore peuvent encore, dans sa région, prévoir chaque année suffisamment de coupes de bois frais, issu d’arbres en bonne santé et de belle qualité, pour qu’il puisse continuer de fournir à ses clients planches, éléments de charpente et autres lattes et parquet. Cependant, la part des coupes urgentes, liées à la sécheresse et aux attaques de parasites tels le bostryche, augmente de façon inquiétante ces dernières années. En vertu du principe que l’on ne prélève dans la forêt que le volume qui pousse annuellement (comme les intérêts à la banque), le jour viendra probablement où les coupes sanitaires dépasseront ce volume, en tout cas certaines années, et le bois frais viendra à manquer. De plus, il estime qu’il faut impérativement veiller à poursuivre une exploitation raisonnable de la forêt. Il a pu constater, au fil des ans, que le nombre d’arbres « âgés » encore sur pied a beaucoup diminué.
Jean-Claude fait également le constat que les petites scieries indépendantes disparaissent inexorablement au fil des ans. De la même façon que dans la paysannerie, la concurrence étrangère et la course aux prix les plus bas sont pour beaucoup dans cette évolution. On apprend au fil de la conversation que l’industrie du bois est subventionnée en Europe, tout particulièrement pour ce qui concerne la construction des scieries. Ce fait me sera confirmé plus tard par Jan Boni, ingénieur forestier du Canton de Neuchâtel. Il a ainsi été possible de maintenir en Europe des structures modernes. Cependant il semble que l’idée d’instaurer des subventions pour l’industrie du bois en Suisse ne fasse pas l’unanimité. Un peu comme dans le milieu agricole, la subvention présente l’inconvénient majeur d’entraîner d’inévitables contrôles, ce que tous ne souhaitent pas, et une certaine lourdeur administrative. Actuellement, l’argent public sert essentiellement à promouvoir l’entretien durable de nos forêts, qu’elles soient publiques ou privées, ce qui en fin de compte sert aussi la cause de l’industrie du bois, de façon insuffisante cependant.
Quelle aide pour les scieries ?
Quant au problème des importations, il est bien complexe là aussi. Par chance, l’obligation de déclarer l’origine du bois a été maintenue, alors que le Conseil fédéral voulait la supprimer, en vertu de la simplification administrative. Cependant, il faut savoir qu’il n’existe aucune taxe ni droit de douane pour le bois, que ce soit en bois rond ou en bois transformé. Le lamellé-collé est un exemple particulièrement frappant, puisque 95% de ce produit utilisé en Suisse provient de l’étranger. A ce sujet, l’avis de nos deux professionnels diverge. Pour Jean-Claude, les taxes douanières permettraient de favoriser le bois suisse en dynamisant les scieries. Car de son expérience, les clients s’intéressent surtout au prix. La provenance est un critère secondaire. En revanche, Jan Boni estime que l’industrie du bois suisse ne serait pas en mesure de fournir les produits qui sont actuellement importés. En tout cas pas dans l’immédiat.
Il existe pourtant des initiatives pour mettre en avant cette précieuse ressource naturelle, qui est la seule dont nous disposons en Suisse. Un organisme comme Lignum a mis sur pied un label, le COBS (Certificat origine bois suisse), qui peut être un atout marketing lors de la construction, et que les collectivités publiques peuvent utiliser pour se vendre, et attirer artisans ou habitants. Mais on pourrait aller plus loin, et offrir une subvention aux scieries ou aux utilisateurs du bois suisse, voire carrément aux deux. Cette incitation financière serait relativement aisée à mettre en place, et présente l’avantage de ne pas être coercitive ni punitive.
Prise de conscience
L’arrivée du Coronavirus dans nos contrées a encore fragilisé un marché du bois déjà bien tourmenté. Après quelques coups de vent remarquables entre janvier et février, contribuant à la saturation du marché, la pandémie a entraîné le ralentissement, voire l’arrêt total, de nombreuses scieries et entreprises forestières, en Suisse comme en France voisine. Il est conseillé aux propriétaires forestiers de ne plus rien couper. Comment les entreprises suisses vont-elles sortir de ce mauvais pas ? Il faut espérer que la crise engendrera une prise de conscience de l’ensemble de la société : nos piliers sont celles et ceux qui assurent nos besoins fondamentaux en temps de crise. Les personnes qui travaillent le bois, notre seule ressource naturelle, en font partie et méritent pleinement une valorisation décente de leur labeur.
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Zoom sur nos forêts
Rudi Berli, maraîcher et secrétaire d’Uniterre
La forêt suisse constitue la deuxième ressource naturelle du pays après l’eau. Selon la statistique forestière, la surface boisée est en augmentation de plus de 1000 ha par année et représente 31% de la surface du pays. Bien que sa fonction première soit la production de bois, la forêt revêt un caractère multifonctionnel garanti par la loi : protection, aspects sociaux, écologiques et économiques. Depuis 1990 (protocole de Kyoto), la forêt est le plus souvent gérée comme puits de carbone net 1.La forêt suisse appartient à hauteur de 71% aux collectivités publiques avec un peu plus de 898’000 ha. 240’000 propriétaires privés possèdent une surface de moins de 50 hectares avec un total de 373'000 ha. La sylviculture suisse emploie environ 5’800 personnes et l’industrie du bois dans son ensemble, avec 12’000 entreprises principalement situées dans des régions rurales, occupe 90’000 personnes au total.
Depuis le début des années 80, l'économie forestière suisse est en crise. C'est à partir de 1985 que l'exploitation forestière est devenue déficitaire, malgré des subventions fédérales et cantonales qui s'élèvent aujourd'hui à environ 300 millions de francs. Dans un marché du bois libéralisé, c'est le transport relativement bon marché qui a fait chuter les prix du bois, alors que les coûts d'exploitation ne cessent d'augmenter. Le bois de première qualité est cependant toujours rentable.
Pour garantir les prestations forestières à long terme, la situation économique de la sylviculture doit être redressée notamment en stimulant la demande et en favorisant l'accès au marché pour le bois indigène. En tant que réservoir de CO2 dans les bâtiments et les produits en bois, l’imposition d’une proportion minimale de bois suisse dans tout nouveau bâtiment serait bénéfique au climat. Malgré les accords de l'OMC, les critères de durabilité et de transport pourraient être invoqués dans les soumissions publiques d'achat.
Alors qu'en plaine les quantités de bois récoltées sont équilibrées entre l'accroissement et le décroissement, la situation est différente dans les zones de collines et de montagne. Sur l'ensemble de la Suisse, le potentiel du bois n'est utilisé qu'à hauteur de 50% environ. Quelque 5.2 millions de m3 de bois ont été récoltés en 2018, soit 11 % de plus que l’année précédente.En cause, la prolifération des bostryches, la sécheresse estivale et les dégâts causés par les tempêtes hivernales. Un meilleur accès aux forêts pourrait permettre d’exploiter de manière durable – sans en récolter plus qu’il n’en pousse – 2 à 3 millions de m3 de bois supplémentaires. La consommation indigène des ressources à base de bois se situe en 2018 à 11,2 millions de m3. 24% pour des matériaux en bois, 19% pour du papier et du carton et 54% pour le bois-énergie. En 2018, la consommation d’énergie totale en Suisse était couverte à 4,6% par le bois et plus de 10 % des ménages suisses étaient chauffés au bois. Cette énergie est quasi neutre en CO2 et joue un rôle de premier plan dans la stratégie énergétique nationale.
Pour l'agriculture le bois reste une activité intéressante, même si son rendement financier est précaire. Elle procure une indépendance énergétique et un revenu d'appoint à condition de maîtriser le débouché et de pouvoir adapter les quantités à la demande. C’est ainsi que s’ouvrent de nouvelles possibilités pour les paysan.ne.s, par exemple en créant leur propre réseau de chauffage à bois à distance. Il existe pour l'agriculture également un potentiel dans le développement de l'agroforesterie dans un système de polyculture non-forestière.
Il est donc important de défendre, également dans une perspective de souveraineté alimentaire et agroécologique, l'utilisation du bois des forêts suisses gérées durablement.
[1] On désigne par puits de carbone l’absorption nette de dioxyde de carbone par des écosystèmes et par source de carbone sa libération nette dans l’atmosphère. Les activités humaines, telles que les reboisements, les déboisements, l’exploitation forestière et l’agriculture, ont une influence sur les stocks de carbone des écosystèmes. En Suisse, les sources de carbone provenant des déboisements pourraient être plus importantes que les puits de carbone résultant des reboisements. La gestion des forêts représente le potentiel de puits de carbone le plus important.
Source : OFEV : puits_et_sourcesdeco2danslexploitationforestiere.pdf