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L'Union suisse des paysans critique le double jeu du Conseil fédéral, dont la stratégie agricole vise une ouverture des frontières tout en exigeant une production helvétique de qualité et respectueuse des ressources. Interview du conseiller national Jacques Bourgeois, directeur de l'USP. Et réponse aux questions de Paul Ecoffey - membre d'Uniterre - par rapport à l'initiative sur la Souveraineté Alimentaire.

https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/les-pays...

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Communiqué de presse Uniterre et Alliance pour la souveraineté alimentaire


Lausanne, 16 novembre 2017


Traitement de l'initiative populaire "Pour la souveraineté alimentaire. L'agriculture nous concerne toutes et tous" à la commission économie et redevances du National (CER-N)

L’organisation paysanne Uniterre ainsi que l’Alliance pour la Souveraineté alimentaire ont pris note avec déception de la décision de la CER-N de proposer au Conseil national de refuser l'initiative populaire (7 contre 0 et 15 abstentions) ainsi que de ne pas entrer en matière sur le contre-projet proposé par le député socialiste M. Beat Jans (13 contre, 4 pour et 5 abstentions).

La vue générale sur l’agriculture présentée par le Conseil fédéral a montré le fossé profond qui existe entre les promesses et les actes concernant la politique agricole. Cette vue générale a fortement influencé les débats de la CER-N puisque 15 parlementaires (une majorité) ont décidé de s'abstenir sur le rejet de l'initiative souveraineté alimentaire en raison des récentes propositions de J. Schneider Ammann. Ainsi, entre les promesses de ce dernier lors de la campagne sur le contre-projet sécurité alimentaire voté le 24 septembre 2017 et ses visions de la politique agricole présentées il y a quelque jours, il y a un gouffre qui a laissé les citoyen.ne.s, les parlementaires et les paysan.ne.s dans une situation plus qu'inconfortable. Le fait que le Conseiller fédéral ait balayé d'un revers de main tous ce que lui-même, ses services et les initiants avaient annoncés comme points positifs du nouvel article 104a démontre malheureusement à quel point un article constitutionnel rédigé en termes généraux peut être interprété de diverses manières.

Ainsi nous sommes quelque peu surpris de lire que "pour la majorité de la commission, l’art. 104 (Agriculture) et le nouvel art. 104a (Sécurité alimentaire) de la Constitution fédérale constituent une base solide sur laquelle la politique agricole peut reposer; ils donnent au Parlement une marge de manœuvre suffisante pour participer au façonnage de la politique agricole et, si nécessaire, de prévoir des mesures supplémentaires dans la loi". Le déni du récent plébiscite de la population suisse prouve que sans un contre-pouvoir sérieux aux visées néolibérales de certains Conseillers fédéraux, ces articles ne sont de loin pas suffisants pour empêcher la destruction pure et simple de l'agriculture paysanne suisse à court terme.

Une ouverture forcée des frontières et des traités de libre-échange s’opposent à l‘agriculture indigène, durable et diversifiée que nous défendons fermement. En tant que champion mondial des importations nettes d’aliments, il est indispensable de maintenir une régulation douanière flexible. C’est un aspect qui doit également se retrouver dans la future politique agricole 22+.


Sur l'initiative

Nous saluons le fait que plusieurs membres de la commission aient relevé l'importance "du renforcement de la production locale, de la protection des terres cultivables et de l’encouragement de l’agriculture sans OGM".

Aux membres de la CER-N qui estiment que notre initiative vise à ce que "l’Etat gère les prix et les quotas et qu'il limite les exportations", nous tenons à répondre qu'il n'en est rien. En effet, notre initiative se borne à demander la garantie d'une transparence du marché visant à une meilleure répartition de la valeur ajoutée dans les filières et à la formation de prix équitables qui seraient déterminés non pas par l'Etat, mais par les acteurs des filières. Sur la gestion des quantités, l'initiative demande seulement que la Confédération soutienne la création d'organisations agricoles qui auraient pour objectif d'assurer l'adéquation entre l'offre et les besoins de la population. Nullement l'Etat ne serait impliqué dans une quelconque gestion des quotas. Enfin, en ce qui concerne les exportations, nous ne les limitons pas, nous demandons la suppression des subventions étatiques à l'exportation afin d'éviter de provoquer une concurrence déloyale auprès de nos collègues d'autres régions du monde comme contrepartie au droit à une régulation douanière flexible.


Sur le contre-projet

L’organisation paysanne Uniterre ainsi que l’Alliance pour la Souveraineté alimentaire ont étudié le contre-projet déposé par le Conseiller national Beat Jans (PS) au sein de la CER-CN. Le comité d’initiative a salué le contre-projet avec certaines réserves, mais restait ouvert à une discussion sur d’éventuelles améliorations substantielles.

Une compétence fédérale sur les conditions de travail des employés agricoles, l’ancrage légal de l’interdiction des OGM, le renforcement de la position de négociation des producteurs et productrices sur le marché, la garantie d’un accès aux semences ainsi que le soutien aux circuits courts régionaux et locaux sont des parties importantes de notre initiative qui sont reprises dans le contre-projet. Mais les exigences du contre-projet demeurent insuffisantes. L'harmonisation des conditions de travail au niveau fédéral est nécessaire et l’interdiction des OGM doit être complétée par l'interdiction d’autres techniques de recombinaison du génome. Dans le cadre du renforcement de la position de négociation des producteurs sur le marché, comme indiqué plus haut, la transparence au sein des filières est indispensable en vue de la formation de prix équitables et d'une juste répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne. De plus, le maintien d’une régulation douanière flexible est essentiel. Malheureusement ces points n'ont pas été repris dans le contre-projet présenté.

Nous tenons à remercier l’engagement de Beat Jans visant à enrichir une discussion nécessaire qui a été malheureusement avortée en commission, mais que nous espérons riche lors de la plénière du National et dans la suite du processus au Parlement. Comme le disait l'ancien Rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation de l'ONU M. Olivier de Schutter, "un des principaux déficit du système alimentaire est son manque de démocratie". Alors que nos systèmes alimentaires sont fragilisés, dénoncés de toutes parts, gourmands en énergie et en ressources naturelles, économiquement peu performants, socialement remis en cause, donc non durables, osons croire que le Parlement aura le courage d'entamer le changement de cap nécessaire de nos politiques agricoles et alimentaires.

Communiqué de presse en pdf

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24 septembre 2017: et maintenant?

Sans surprise, le nouvel article constitutionnel sur la Sécurité alimentaire a passé haut la main l’épreuve du vote populaire, avec des résultats proches des records nationaux. L’on peut sans autre se réjouir que le peuple helvétique ait dans son ensemble clairement manifesté son soutien à notre agriculture, en ayant à cœur de suivre le mot d’ordre donné par les constructions bucoliques en paille à proximité des fermes. Si l’agriculture est souvent critiquée pour diverses raisons, ce jour-là en tout cas les doutes ont été balayés et remplacés par une très belle preuve de confiance.

Reste qu’aujourd’hui, les défis sont nombreux. De l’avis même des initiants et de Johan Schneider-Amman, l’article constitutionnel en tant que tel ne va pas changer grand-chose à la situation. Et pourtant! Il n’est pas exagéré de dire qu’actuellement l’agriculture se trouve à la croisée des chemins, et toutes et tous nous braquons nos regards sur la façon dont elle va répondre à nos attentes. Quelles décisions vont être prises au sein du Conseil fédéral? Quels soutiens pour les familles paysannes? Quel type d’agriculture sera privilégié? Est-ce que ce vote assurera le maintien d’une agriculture portée par une grande diversité d’exploitations agricoles? Qu’est-ce qui sera concrètement mis en œuvre pour maintenir les fermes, voire en augmenter le nombre? Quels acteurs de la chaîne alimentaire seront prioritaires? Une première étape sera de faire le tri parmi les attentes, de déterminer lesquelles sont les plus fondamentales, et lesquelles il sera possible de satisfaire.

La tâche n’est pas aisée: les paysannes et les paysans de ce pays connaissent des quotidiens infiniment variés, que ce soit en termes de type de production, de taille d’exploitation, de contexte familial. L’agriculture n’est pas faite pour rentrer dans un moule! Il est pourtant un point essentiel sur lequel tout le monde peut s’accorder: en tant que branche économique, les personnes qui y travaillent doivent pouvoir en vivre dignement. Nous savons que ce n’est pas le cas actuellement. Nous sommes cependant persuadés que c’est possible.

Du point de vue du consommateur, ce n’est en tout cas pas plus simple. Les revendications de nos concitoyen-ne-s, quoique légitimes, sont légion. Répondre à leurs attentes en termes d’écologie, de goût, de prix, de proximité, de diversité, d’accessibilité, sera un exercice des plus périlleux, mais ce sont les promesses qui ont été faites tout au long de la campagne par les porteurs du contre-projet! Et y répondre, demandera du courage politique, et une volonté partagée d’aller vers un système alimentaire résilient.

L’initiative pour la Souveraineté alimentaire permettra des débats de fonds et l’émergence de systèmes novateurs et de projets-pilotes ouvrant la voie vers une société plus juste, respectueuse, diversifiée et responsable. Pour qui s’est amusé à se promener sur les réseaux sociaux au mois de septembre, il a été facile de constater que les souhaits des consommateurs dépassent de très loin les objectifs fixés par le contre-projet. Un ras-le-bol général suite aux trop nombreux scandales alimentaires; un soutien affectif profond aux paysannes et paysans qui sont leurs voisins; une volonté clairement exprimée de retourner faire ses achats directement chez le producteur; le refus quasi-unanime des fermes-usines qui n’offrent aucune sécurité; le rejet également très marqué des OGM; ce sont tous ces arguments que l’on retrouve tout simplement dans l’initiative lancée par Uniterre. C’est à se demander si au final, les votants n’ont pas déjà pris un peu d’avance sur le programme fédéral.


Vanessa Renfer et Michelle Zufferey


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Du 10 au 13 décembre aura lieu la conférence ministérielle de l’OMC à Buenos Aires en Argentine. La Via Campesina et les mouvements sociaux appellent à une semaine mondiale d’actions (8 - 15 décembre) contre l’OMC et les accords de libre-échange.

Depuis le mois de janvier la Suisse a entamé les négociations de libre-échange avec le MERCOSUR (Marché commun Amérique Latine). Parmi les pays impliqués on trouve les poids lourds des pays exportateurs de produits de l’agro-industrie, comme le Brésil ou l’Argentine. Ces accords auraient des conséquences dramatiques pour la production alimentaire indigène. Pour le Conseil Fédéral tous les moyens sont bons pour avancer avec son agenda de dérégulation. Ce faisant il méprise ses propres déclarations, il ignore les accords signés et refuse de tenir compte de la volonté populaire qui s’est pourtant exprimée avec une écrasante majorité pour la sécurité alimentaire. De plus, le Rapport agricole mondial, signé par le gouvernement suisse, dit clairement que l’agriculture industrielle nous mène vers une impasse et n’est pas à même de garantir la sécurité alimentaire.

Mais la résistance contre l’aveuglement du Conseil Fédéral grandit, l’accord avec la Malaisie bute pour l’instant contre les résistances face aux importations d’huile de palme, qui représentent un exemple typique des dérives industrielles de l’agriculture et qui mettent en danger la production indigène d’huile de colza ou de tournesol. A la fin du mois d’octobre c’est le Parlement qui a réduit le mandat délirant accordé au SECO par le Conseil Fédéral pour négocier à l’OMC. Ce mandat aurait permis de considérer un tiers des paiements directs comme des distorsions commerciales, y compris les contributions de base, contributions pour les terres ouvertes et les cultures pérennes, les primes de non-ensilage et de transformation en fromage ainsi que les primes pour les cultures particulières. Un mandat de massacre contre l’agriculture suisse ! Pour l’instant ce mandat doit être revu sous la pression des chambres fédérales. Mais il est déjà clair que l’administration ne reculera que si le rapport de force politique est suffisamment fort.

La pensée unique du Conseil Fédéral apparaît encore dans le rapport sur la vue d’ensemble de la politique agricole publié début novembre. Ce rapport clame et revendique une accélération de l’évolution structurelle, euphémisme qui désigne la destruction de l’agriculture paysanne. Dans ce contexte le positionnement de l’Alliance agraire en faveur d’une ouverture des frontières, positionnement réaffirmé dans le dernier rapport Agro Forte 2022, est très négatif, puisqu’il renforce les tenants de la dérégulation des marchés agricoles – et ceci au nom de la durabilité !

Au-delà des frontières suisses, en Europe et sur tous les continents, des plateformes citoyennes puissantes, réunissant paysans et paysannes, mouvements écologistes, mouvements de défense des consommateurs et syndicats se battent contre le libre-échange et l’industrialisation pour enfin imposer un cadre équitable et durable au marché ! En Suisse également il faut que cette voix monte et fasse le lien entre les multitudes de projets locaux et régionaux et les décisions politiques au niveau fédéral. C’est au nom d’une compétitivité débridée que Le Conseil Fédéral veut déréguler les marchés encore davantage. Mais ces marchés globalisés détruisent déjà les économies locales, ses variables d’ajustement sont les populations des campagnes et des villes, les animaux, la biodiversité, les ressources naturelles et le climat… considérés comme des « freins » pour le pillage des multinationales et d’une économie financiarisée.

Depuis ses débuts en 1995, l’Organisation Mondiale du Commerce s’est engagée à généraliser la libéralisation des marchés nationaux au détriment de la souveraineté. Dans ce cadre, les multinationales utilisent les gouvernements complices pour saper la démocratie et tous les instruments institutionnels qui servaient à défendre les vies, les territoires et les écosystèmes alimentaires et agricoles des peuples du monde. Ce n’est pas seulement le système alimentaire mais également tous les services et les biens publics que l’OMC entend privatiser.

Durant plus de 20 années de lutte contre l’OMC, les peuples ont résisté à ses tentatives de marchandisation de la vie, à commencer par le système agroalimentaire. Nos luttes ont été un obstacle majeur à la progression de cette organisation.

Nous serons là pour dénoncer l’OMC et pour brandir la bannière de la souveraineté alimentaire. Nous dénoncerons les gouvernements qui, après avoir constaté l’affaiblissement de l’OMC, veulent recourir à des traités de libre-échange bilatéraux et régionaux qui menacent d’anéantir nos systèmes alimentaires, tout comme l’OMC l’a fait au cours des deux dernières décennies.

Nous insistons pour que l’agriculture ne fasse partie d’aucune des négociations de l’OMC !

NON À L’OMC ! NON AUX ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE !

NON AUX ACCORDS SUR LES SERVICES !

POUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE DES PEUPLES !

MONDIALISONS LA LUTTE ! MONDIALISONS L’ESPOIR !

MANIFESTATION INTERNATIONALE
Genève, 9 décembre 14h, place de la Navigation

Rudi Berli


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article de Jean-Luc Wenger paru dans Le Courrier du 10 novembre 2017

Rencontre avec Fernand Cuche qui poursuit sa lutte pour une politique agricole durable.

«Nous ne pouvons pas régater sur
le prix du lait. Un producteur touche 50 cen- times le litre en Suisse, alors que c’est 25 centimes en France. Nous ne sommes pas concurrentiels.»

lire l'article

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La souveraineté au service des peuples

Suivi de : L’agriculture paysanne, la voie de l’avenir !
Samir Amin


Collection PubliCetim no 41, éditions du CETIM, Genève, 2017, 9782880531270, 96 pages.

Résumé: Un point fait aujourd’hui largement débat : faut-il soutenir ou au contraire rejeter la souveraineté nationale ? Or pour l’auteur, cette question de stratégie fait l’objet de graves malentendus, tant que son contenu de classe n’est pas identifié.
En effet, dans les sociétés capitalistes, le bloc social dominant conçoit toujours la souveraineté nationale comme un instrument pour promouvoir ses intérêts de classe. On comprend dès lors pourquoi le discours national faisant l’éloge des vertus de la souveraineté ‒ tout en cachant les intérêts de classe qu’elle sert ‒ a toujours été inacceptable pour tous ceux qui défendent les classes travailleuses.

Pourtant, nous ne devrions pas réduire la défense de la souveraineté à cette modalité. Cette défense n'est pas moins décisive pour la protection d’une alternative populaire. Elle constitue même une condition incontournable d’avancées dans cette direction.

La question agraire, l’accès à la terre pour tous, la souveraineté alimentaire sont au cœur des problèmes à résoudre. Et l’agriculture paysanne s’impose comme la voie de l’avenir !


> détails sur le site du Cetim

Livre à commander à contact@cetim.ch

Prix CHF 11.-




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Communiqué d'Uniterre et l'Alliance pour la Souveraineté Alimentaire

Le mouvement paysan international « La Via Campesina »[1] a fait du 16 octobre la journée de promotion de la Souveraineté Alimentaire. Quoi de plus logique que de nous associer à l’appel qu’il lance cette année pour la défense de la vie, de la terre et des territoires. Notre initiative populaire aborde ces aspects essentiels.

Les terres : un bien si précieux à épargner

Le sol est l’outil de travail des familles paysannes ; c’est un élément vivant dont la richesse et la fertilité doivent être préservées. Les surfaces d’assolement sont les terres qui sont les plus aptes à la culture et qui de se fait jouissent d’une certaine protection : chaque canton est tenu d’assurer le maintien d’un quota de surfaces d’assolement qui lui a été attribué au début des années 90. Mais les réserves alors disponibles sont bientôt épuisées. La nécessité de conserver des surfaces pour la production de nourriture ne fait souvent pas le poids lors de la pesée d’intérêts face aux besoins de logements, certes légitimes, des infrastructures routières ou du développement de l’économie. Et pourtant, si nous voulons fournir ne serait-ce que la moitié des besoins alimentaires de la population, nous devons épargner et non sur-consommer : urbaniser vers l’intérieur en densifiant intelligemment plutôt qu’en s’étalant, réfléchir à des moyens de déplacements moins envahissant, questionner la croissance sans limite de certaines régions. Chaque acteur doit se rappeler que la terre est un bien précieux qui nous a été prêté avant d’être transmis aux générations futures.

Un territoire vivant: plus de mains, de cœur et de têtes par hectare

Nous l’affirmons : afin de répondre à toutes les attentes de la société, nous devons pouvoir être plus nombreux dans le secteur primaire. Notre initiative veut impulser un changement de cap profond. Depuis 1990, 40% des fermes ont disparu et près de 100'000 emplois perdus; ce n’est humainement plus supportable. Si l’évolution technique compense en partie les pertes d’emplois, elle a aussi des conséquences : accroissement de l’endettement, patrimoine difficilement transmissible à la prochaine génération (investissement trop conséquent), pertes de liens sociaux. Notre initiative vise à répartir équitablement la valeur ajoutée entre les acteurs de la chaine alimentaire. Si le premier maillon de la chaine - constitué par les familles paysannes et leurs employé.e.s - est rémunéré à sa juste valeur, il est possible de créer des emplois afin de miser sur les Hommes plutôt que sur les hectares.

Aujourd’hui il n’y a plus une agriculture, mais des agricultures. Les nouvelles formes de collaborations entre paysans et la diversité des structures (petites, moyennes, grandes, bio, conventionnelles) doivent être encouragées plutôt que freinées. Elles donnent des ouvertures à l’installation de la nouvelle génération de paysannes et paysans. Un secteur qui n’encourage pas la relève et qui ne s’adapte pas à ses nouvelles aspirations est un secteur qui se meurt !

Main dans la main pour un espace rural dynamique et nourricier

Nous appelons à favoriser les échanges commerciaux directs entre paysans et consommateurs ainsi que les structures de transformation régionales. Les artisans qui transforment les produits agricoles (moulins, huileries, abattoirs, bouchers, boulangers, laiteries, fromageries, etc.) sont des acteurs essentiels à la mise en valeur de la production locale. Renforcer leur présence en zone rurale permet une meilleure traçabilité, mais aussi la création d’emplois dans un secteur économique qui a lui aussi subit des restructurations et une centralisation à outrance.

Nous sommes convaincus que la mise en place d’une économie circulaire relocalisée permet de stimuler l’innovation ; un élan souhaitable pour notre population toujours plus soucieuse de l’origine des aliments, de leurs modes de production et de leur impact sur les Hommes, les animaux et la nature.


Extraits de l’Initiative Populaire : « Pour la souveraineté alimentaire. L’agriculture nous concerne toutes et tous »

Alinéa 3, La Confédération prend des mesures pour :

a. favoriser l’augmentation du nombre d’actifs dans l’agriculture et la diversité des structures;

b. préserver les surfaces cultivables, notamment les surfaces d’assolement, tant en quantité qu’en qualité;

Alinéa 5 La Confédération :

c renforce les échanges commerciaux directs entre paysans et consommateurs ainsi que les structures de transformation, de stockage et de commercialisation régionales.

http://www.souverainete-alimentaire.ch/in/fr/




[1] La Via Campesina c’est 300 millions de paysans, 170 organisations dans plus de 70 pays. En Suisse, Uniterre et l’autre syndicat sont membres de ce mouvement.



Le processus de ratification par l’ONU de la Déclaration sur les Droits des paysans et des personnes travaillant dans les zones rurales a franchi une étape décisive.

En effet, la résolution concernant cette déclaration a été acceptée à une écrasante majorité ce 29 septembre par le Conseil des Droits de l’Homme.

Par ce vote (34 voix pour, 2 contre et 11 abstentions), le Groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée a reçu le mandat de négocier, finaliser et présenter le texte du projet de la Déclaration des Nations-Unies sur les Droits des paysan-nes et autres personnes travaillant dans les zones rurales jusqu’en juin 2018.


Un soutien croissant des pays membres

Il est extrêmement réjouissant de constater la croissance du nombre de voix favorables à ce projet. En 2012, on comptait 23 voix favorables, en 2014 : 29 et en 2017 : 34 ! (voir article Uniterre du 3 juillet 2014 sur le sujet) et nous devons saluer l’engagement du groupe de travail intergouvernemental (GT) présidé par la Bolivie et l’excellente collaboration avec la société civile.

Les prochaines étapes seront consacrées aux négociations sur les contenus de la déclaration et à des actions de lobby afin que le projet de texte soit accepté tout d’abord par les pays membres du Conseil des droits de l’homme à Genève et ensuite en Assemblée générale à New York.

Un important travail attend le GT, La Via Campesina et ses partenaires pour que l’année prochaine, après plus de 10 années de travail, la déclaration soit officiellement acceptée par les Nations-Unies.


La déclaration sur les droits des paysan-ne-s et autres personnes travaillant dans les zones rurales

La déclaration veut répondre à la situation spécifique des paysannes et paysans, travailleuses et travailleurs agricoles, sans-terre, pêcheuses et pêcheurs, bergères et bergers, nomades. Pour ce faire, elle s’appuie sur des droits préexistants (déclaration des droits de l’homme, de la femme et de la citoyenne, des peuples autochtones, etc.) en les adaptant à la situation des communautés rurales et propose aussi des droits qui répondent aux menaces nouvelles dont ces communautés sont les victimes, comme entre autres, l’accaparement des terres, la déforestation industrielle et la dégradation des sols par l’érosion et l’utilisation massive d’intrants.
Concrètement, les réponses à ces menaces sont le droit à la terre, aux semences, aux moyens de production, à la souveraineté alimentaire, à la biodiversité, à un revenu et niveau de vie décent.


Une déclaration bénéfique pour toutes et tous

Cette déclaration est bénéfique pour le monde, comme le dit Olivier de Schutter que nous résumons ci-après.
« Une agriculture à petite échelle rend de nombreux services à la société, elle contribue au maintien de la biodiversité et d’un sol sain. Elle a un rôle économique et vital, non seulement parce qu’elle nous nourrit, mais aussi parce qu’elle est à la base de toute une série de métiers, commerces, unités de transformation, restaurants qui font vivre une région. Intégrée dans une économie locale, l’agriculture à petite échelle met à disposition de la population des produits frais et sains, sans transport sur de longues distances. »

De plus, la déclaration répond aux objectifs du Millénaire pour le développement et elle est une voie concrète pour le développement d’un système alimentaire plus résilient.

La Déclaration ouvre des portes, donne des outils, permet de développer des solutions pour une paysannerie et des communautés locales vivantes, autonomes et novatrices.

Michelle Zufferey


Pour en savoir plus sur les contenus de la Déclaration :


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« Nous nourrissons nos peuples et construisons le mouvement pour changer le monde » : une expérience inoubliable… Récits de Berthe et Joël, délégués d’Uniterre.


Le samedi 15 juillet, me voilà partie avec mon gros sac à dos à Derio, à coté de Bilbao, au Pays Basque ou « Euskal Herria » - en Basque justement ! – pour ma 1ère conférence internationale de la Via Campesina. Etant « jeune » et « femme », j’ai tout d’abord participé à l’assemblée des jeunes qui a eu lieu les 16 et 17 juillet et à l’assemblée des femmes qui s’est enchaînée : 17 et 18 juillet pour donner suite à 5 jours de conférence !

Bref, au total, 9 jours de conférence, autant vous dire que j’ai fini sur les rotules ☺ ! Mais ça en valait la peine… J’ai décidé de surtout vous faire partager mon ressenti, ce que mes tripes, mon cœur ont exprimé pendant cette semaine… Les déclarations, le contenu qui en est ressorti – j’y reviendrai un peu après ainsi que mon collègue Joël qui était là aussi – et vous pouvez le trouver sur le site de la Via Campesina.

Les émotions étaient au plus haut pendant toute cette semaine : je passais des larmes de joie provoquées par les sensations de lutte commune, d’inconscient collectif, où on se rend compte que partout sur cette planète, on rencontre les mêmes problèmes pour lesquels on se bat, ces moments où nous chantions tous ensemble un « Aleerta »… aux larmes de tristesse quand des collègues d’Amérique Latine nous racontaient la répression sanglante qu’ils vivent là-bas : les assassinats de paysans militants sont courants…les emprisonnements, les menaces… Ou encore cette jeune femme sud-coréenne qui a témoigné en plénière de l’assassinat de son père par un policier alors qu’il était JUSTE entrain de manifester pour ses droits dans la rue… Même certains interprètes ont eu du mal à continuer la traduction tellement l’émotion était forte…

En comptant les bénévoles, nous étions bien 600 personnes, de plus de 70 pays, lors des 5 jours de conférence. Essayez d’imaginer ! J’en ai le tournis rien qu’en y repensant. La conférence a fini en beauté avec une marche dans Bilbao le dimanche. Puis le lundi, des visites de fermes étaient organisées. C’était le moment de se dire au revoir… Mamma mia, autant vous dire qu’après cette semaine de très belles rencontres des 4 coins du monde, d’euphorie collective, les « au revoir » n’ont pas été faciles pour beaucoup…moi la première. Beaucoup m’ont dit en rentrant « ces rencontres remotivent beaucoup pour continuer la lutte », ce à quoi j’ai répondu que je n’avais pas encore eu le temps de me démotiver depuis ma prise de poste à Uniterre il y a 6 mois, mais que là, cela m’avait donné encore plus d’énergie pour avancer ! Ce que j’ai retenu de cette rencontre, c’est la belle énergie, la solidarité, l’ouverture et le respect entre tous, que l’on soit de cultures différentes, hommes, femmes, jeunes, etc : le beau côté de l’être humain…

Quelques extraits de la déclaration finale de la conférence qui m’ont particulièrement touchée : « L’agroécologie paysanne est le fondement de notre proposition et de notre vision de la souveraineté alimentaire des peuples du monde. Pour cela, nous devons nous battre pour une réforme agraire intégrale et populaire, pour la défense des territoires autochtones et paysans et pour la restauration de systèmes alimentaires locaux.

En plus de renforcer et de développer nos marché paysans locaux, nous devons construire de nouvelles relations entre les travailleur-se-s des campagnes et des villes, de nouveaux canaux de distribution et de vente ainsi qu’un nouveau modèle de relations humaines, économiques et sociales, fondées sur le respect, la solidarité et l’éthique. (…)

Il est temps de construire un monde plus fraternel, fondé sur la solidarité entre les peuples. »

Berthe Darras



http://viacampesina.org/fr



Changer le monde ! Le slogan de la 7e conférence internationale de la Via Campesina ne laisse aucune ambigüité sur le sens de notre regroupement. Nous nous unissons pour défendre nos droits paysans, nous résistons aux attaques de l’agrobusiness, en cela nous cherchons à survivre, mais au- delà de cette résistance, nous nous organisons pour une transformation qui change globalement le mode d’être ensemble de l’espèce humaine.

Pour cela, nous cherchons des alliés, nous cherchons à amener la préoccupation pour la souveraineté alimentaire à se développer dans les autres secteurs de la société, qui ne sont liés à la filière alimentaire que par son extrémité finale, les mangeurs. Et pourquoi les mangeurs ne pourraient-ils pas façonner le monde dans lequel ils vivent, vu qu’ils forment le 100 % de la population ? De plus, il n’y a pas si longtemps, eux-mêmes ou leurs parents étaient encore paysans. Un mirage leur a fait penser que la vie serait plus facile en ville, mais pour quelques bonheurs nouveaux auxquels ils ont eu réellement accès, combien de cauchemars ils doivent maintenant affronter, divisés, parce que ces bonheurs et ces cauchemars se vivent seuls ! A partir de là, pour reconstruire une action collective, il faut sortir de ces rôles de producteurs et consommateurs individuels dans lesquels nous sommes cantonnés, créer des alliances locales avec des organisations urbaines, des associations de quartier, des communautés villageoises pour construire ensemble la souveraineté alimentaire.

Ici, dans nos régions très urbanisées du nord, nous devons donc trouver des formules pour donner plus d’ampleur à ce que les anglophones appellent « agriculture soutenue par la communauté », et que nous pourrions, en faisant un pas supplémentaire vers une disparition de la division entre producteurs et consommateurs renommer « agriculture organisée par la communauté ».

Dans de nombreuses régions rurales des pays du sud, la souveraineté alimentaire est mise en pratique dans le cadre de territoires populaires, notamment en Inde et en Amérique Latine, mais là-bas aussi, sans une alliance avec les populations urbaines, ces espaces ne pourront pas opposer de vraie résistance au rouleau compresseur de l’exploitation industrielle des terres et des êtres vivants qui y habitent.

Accompagnant cette construction par en bas, nos organisations travaillent à inscrire les principes de la souveraineté alimentaire au niveau étatique: au Népal, elle a été inscrite dans la constitution, et elle pourrait l’être l’année prochaine en Suisse.

La Via Campesina se donne aussi comme mission d’aider à construire, avec son expérience, une internationale des mouvements populaires.

Parallèlement à ces alliances nécessaires à d’autres secteurs de la société avec lesquels construire ce mouvement, la Via Campesina continue son extension géographique. Des organisations paysannes partageant nos valeurs nous ont rejoint ou sont sur le point de le faire : une organisation palestinienne, une organisation marocaine et une autre de Tunisie ont été accueillies à Derio, posant les bases d’une nouvelle région Nord de l’Afrique et Moyen-Orient, s’ajoutant aux 9 régions structurant le travail de la Via Campesina. Par ailleurs, une organisation australienne a rejoint la région Asie du Sud-Est et de l’Est. Pour ce qui est de l’Europe, plusieurs organisations des pays de l’Est, fortement touchées par l’accaparement des terres, étaient présentes à la 7e conférence, et c’est une des priorités de notre région d’accompagner les mouvements paysans dans ces pays jusqu’à aujourd’hui quasi absents de la Via Campesina.

Nous nous sommes engagés à continuer, en retournant dans nos régions, à lutter localement pour la souveraineté alimentaire et contre les politiques libérales, pour un mouvement paysan libéré de ses pratiques patriarcales et soutenant ses jeunes, contre l’accaparement des terres, pour nos semences paysannes, contre l’agrobusiness et les agrotoxiques, à construire nos modèles paysans agroécologiques, seuls à mêmes d’enrayer le changement climatique, et à exprimer notre solidarité pour les peuples en lutte, en envoyant rapidement lorsque la situation l’exige des représentants de nos organisations sur le terrain.

Joël Mutzenberg, Semences de Pays



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Quelles tomates, quelles salades, quelles côtelettes dans vos assiettes? C’est la question que pose en filigrane le vote sur la sécurité alimentaire, sur lequel vous vous prononcerez le 24 septembre. Quels sont les enjeux du débat? Comment garantir aux Suisses un approvisionnement durable ET suffisant? Quelle dose de protectionnisme face au libre marché? Et finalement quelle agriculture pour demain? A 10 jours du vote, Infrarouge a ouvert le débat mercredi 13 septembre.

A ne pas manquer!

https://www.rts.ch/emissions/infrarouge/