jeudi, 04 octobre 2012

palaisfederal2marsProduction et écologie les deux faces d'une même pièce de monnaie

Régulation, production durable, respect des ressources: les bases d'une rémunération équitable pour les familles paysannes

Le 19 et le 26 septembre dernier, le Conseil national s'est penché intensivement sur le paquet PA 2014-17. Avant la discussion au Conseil des Etats, il est possible de dresser un premier bilan.

 

 

 

Uniterre tire un bilan contrasté des débats parlementaires. Commençons par les points négatifs qui sont, pour l’heure, moins nombreux:

Premièrement, la notion de souveraineté alimentaire est introduite dans la loi, mais elle a perdu l’essentiel de sa substance se résumant à la volonté de satisfaire les besoins des consommateurs en produits indigènes de qualité. Exit le commerce international équitable, les prix couvrant les coûts de production, le respect des producteurs et de leurs employés, l’accès à la terre ou aux semences. La formulation retenue, proposée par Jacques Bourgeois, directeur de l’Union suisse des paysans, avait tout pour plaire à l’Office fédéral de l’agriculture et au Conseil fédéral. Pour la simple et bonne raison qu’elle n’engendrera aucun changement de fond. Comble de l’ironie, cette formulation était défendue par l’OFAG au nom des consommateurs alors que les deux organisations principales de consommateurs, la FRC et le SKS ne voulaient pas de cette version. Ayant bien saisi les enjeux qui se cachaient derrière ce marché de dupes, elles avaient optés pour la formulation minoritaire (« Les mesures de la Confédération se fondent sur le principe de la souveraineté alimentaire») défendue par Louis Schelbert et préférée par Uniterre.

Deuxième échec: le refus d’instaurer une réglementation contraignante concernant les mesures d’entraide (art 9), mesure qui aurait contribué à stabiliser les marchés.

Troisième échec: il n’a pas été possible de réintroduire la dégressivité des paiements directs par hectare. Ceci alors que c’est un des moyens les plus efficaces pour garantir une certaine équité dans la répartition de l’enveloppe des paiements directs!

Par contre, Uniterre peut se targuer d’avoir fait passer un certain nombre d’articles grâce à sa force de persuasion et à sa capacité de travailler au delà des frontières partisanes en amenant des arguments crédibles. C’est le cas de l’article sur les contrats laitiers (36b) qui, sans l’engagement d’Uniterre, aurait été enterré. Article indispensable à une meilleure gestion des quantités et au rééquilibrage du marché sous l’emprise totale de l’industrie. C’est le cas également pour le droit aux paiements directs sur les zones à bâtir et la reconnaissance des activités proches de l’agriculture comme activité agricole à part entière. Une victoire moins nette, mais néanmoins très réjouissante, est la reconnaissance des cultures fourragères comme ayant droit à des paiements directs spécifiques. Il nous faut absolument réduire notre dépendance quant à l’importation de fourrages.

Produire oui, mais mieux!

Uniterre se refuse à opposer production et écologie. Ce sont les deux faces d’une même pièce de monnaie pour garantir une agriculture rémunératrice qui réponde également aux attentes de notre société tout en respectant nos collègues outre frontière en évitant les exportations de surplus.

C’est pourquoi Uniterre s’est positionné en faveur du nouveau système des paiements directs qui vise, entre autre, à supprimer les paiements directs par tête de bétail pour les remplacer par des paiements à l’hectare (art 72). Certes, quelques difficultés pourraient survenir dans certaines régions de Suisse. Mais nous sommes convaincus de la capacité des familles paysannes à compenser les éventuelles pertes financières par la participation aux nouveaux programmes proposés. Nous rappelons par exemple l’introduction de nouveaux paiements pour les systèmes d’élevage (lait et viande) basé sur l’herbe. Les programmes écologiques ne se limitent donc pas à produire des fleurs ou des jachères ou à poser des bancs en bordure de parcelle comme ont cherché à le faire croire certains milieux. Il y a la place pour allier production et plus d’écologie. Par ailleurs, des soutiens accrus aux alpages ont été acceptés largement par le Parlement. L’USP s’était mobilisée pour proposer un compromis qui aurait tenu compte de l’intensité de l’élevage par hectare pour compenser partiellement la fin des primes à la tête de bétail. Mais ce compromis, fort complexe et en partie également mal communiqué par la faîtière agricole, a échoué au Parlement. Il faut encore attendre les débats du Conseil des Etats, mais quelqu’en soit l’issue, il ne faut pas tomber dans le piège de croire que la fin de la prime à la vache (sur le principe accepté par tous, même l’USP) est le coup de grâce pour l’élevage. Après les guerres de tranchées des débats parlementaires, il faut prendre du recul, évaluer les alternatives, et s’engager en 2013 concernant les montants des différentes primes.

Il est  par ailleurs faux de dire que les réformes successives de la politique agricole ont amené de fait à moins produire (c’est surtout vrai pour les fourragères). Preuve en est que certains marchés sont saturés. La production réagit certes d’une part aux effets de la politique agricole, mais il ne faut pas négliger l’importance du niveau des prix des produits et des agissements des acteurs du marché (transformateurs, distributeurs, importateurs/exportateurs, commerce international) sur le niveau de production indigène. Dans le secteur laitier par exemple, le prix scandaleusement bas du lait a, à n’en pas douter, bien plus d’importance dans les choix stratégiques des familles paysannes que le transfert des primes à la vache en primes à l’hectare.

Argumenter qu’en produisant moins, nous contribuons à la faim dans le monde et que nous ne prenons pas nos responsabilités est fallacieux. Ce scandale planétaire qui amène à ce que près d’un milliard de personnes souffrent de la faim est un problème de répartition et d’équité entre pays. Nos firmes transnationales, par leurs agissements notamment dans les pays en développement, contribuent bien plus à ce scandale que le niveau de production en Suisse. Seule des politiques agricoles solidaires basées sur la souveraineté alimentaire de La Via Campesina pourraient apporter une solution durable.

Uniterre salue également la prolongation du moratoire sur les OGM jusqu’en 2017 et le soutien à la conservation dynamique des semences dans les champs (et non seulement dans les banques de gènes).

Uniterre se félicite de l’augmentation du budget pour les améliorations structurelles (160 millions de plus), sachant que les investissements dans la base de production sont aussi un gage pour la pérennité de l’agriculture. A ce propos, nous espérons que les crédits prévus pour l’installation des jeunes seront les premiers à bénéficier de cette augmentation.

Enfin, le syndicat paysan s’engagera au niveau du débat du Conseil des Etats pour consolider les acquis du national et faire pencher la balance de notre côté pour les points qui n’ont pas obtenu grâce à la Chambre du peuple. Il est déjà à l’oeuvre.