vendredi, 29 novembre 2013

PA 2014-2017: passons à autre chose!

Les ordonnances liées à la nouvelle politique agricole viennent de sortir. Les réactions des milieux concernés? Fatalisme tinté d'une insatisfaction larvée, commentaires attristés sur ce que les uns perdent et les autres gagnent. Ce qui a toujours été assez clair, c'est que les grandes lignes n'ont pas bougé: évolution des structures, emballage écologique, plus de pouvoir au marché, ouverture des frontières, moins de surveillance de l'Etat; rien n'a changé.

 

 

Une phrase du communiqué de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) nous interpelle. Ce dernier semble avoir déniché une nouvelle définition de la souveraineté alimentaire: le principe de la souveraineté alimentaire est concrétisé au moyen de mesures de soutien de la stratégie qualité, de contributions à des cultures particulières et du système de paiements directs ciblés, avec sa contribution spécifique à la sécurité de l’approvisionnement. Il est difficile de blâmer l’OFAG quand l’Union Suisse des paysans lui offre les clous pour crucifier ce concept qui, dans sa version originale, semble si dérangeant pour eux deux. 

Mais chiche, découvrons sur quoi repose leur définition.

 La stratégie qualité est un concept qui pour l’heure se limite à un bel emballage marketing. Ceux qui en profitent sont les transformateurs alors que la qualité intrinsèque des produits en souffre. Ses promoteurs veulent atteindre la compétitivité par la qualité et glorifient le partenariat fairplay dans les filières. Parmi les signataires de cette charte qualité: ceux qui refusent de fixer un prix indicatif pour les panifiables et ceux qui refusent d’augmenter le prix indicatif du lait d’industrie. Espérons que l’ordonnance reliée, évoquant l’amélioration des prix à la production et une répartition équitable de la valeur ajoutée, sera plus qu’un voeux pieux.

Les contributions aux cultures particulières ont été réduites par rapport à la précédente politique agricole. En effet, pour rendre les cultures fourragères plus attractives, la solution apportée a été de baisser le prix indicatif des panifiables et les primes de culture pour les oléagineuses et les betteraves. Médiocrité quand tu nous tiens!

Quant à la contribution spécifique à la sécurité de l’approvisionnement, nous rappelons que la souveraineté alimentaire n’est pas synonyme d’autosuffisance, ni d’autarcie. La question n’est pas seulement combien, mais aussi comment nous produisons.

Identifions ce que leur définition omet d’intégrer

La nécessité d’avoir accès à la terre et d’encourager la relève paysanne est une priorité. L’OFAG explique le maintien, voire la légère hausse du revenu par exploitation, par le fait que l’évolution structurelle fera crever des paysans et que le gâteau financier sera partagé par moins d’élus! Quelle belle perspective d’avenir! 

Là aussi, des organisations agricoles ont mâché le travail. Quand le Président des Producteurs Suisses de Lait estime qu’en dessous de 50 vaches, il ne vaut plus la peine de construire, c’est un blanc-seing à la restructuration à marche forcée. Mais après quoi courent-ils bon sang? En France, un projet d’étable de 1 000 vaches laitières est en construction. Aux Etats-Unis, ce sont des étables de 40 000 vaches qui sont en projet. Il en est de même pour la Chine qui se lance corps et âme dans l’agriculture industrielle. L’expérience des praticiens, tout comme les connaissances des 400 scientifiques qui ont rédigé le rapport mondial sur l’agriculture, mènent vers une toute autre opinion. La Migros, écrit avec justesse dans son dernier magazine, que la durabilité n’est pas un business à long terme pour l’industrie...

Rien n’est non plus mis en place pour freiner les accords de libre-échange, pour éviter le dumping à l’exportation et pour réguler les importations en fonction de critères sociaux ou environnementaux. Pour plus d’équité dans le commerce international, mieux vaut oublier PA 2014-17.

La question de la gestion des quantités ne trouve pas non plus réponse puisque l’Etat a tendance à estimer que le marché peut huiler la machine tout seul! Nous sommes au regret de vous rappeler que la main invisible est avare lorsqu’il s’agit de servir les premiers maillons de la chaîne. Quid donc de la situation sociale des familles paysannes et des ouvriers agricoles? Se baser sur le chiffre d’affaires des intermédiaires, des distributeurs ou du seul quart d’exploitations les plus performantes, pour jauger la dynamique de notre secteur alimentaire, est trompeur.

 

Façonnons ensemble un cadre solide redonnant un avenir à une agriculture locale de proximité qui soit rémunératrice pour les familles paysannes en activité, qui offre une place aux générations futures et qui respecte l’environnement social et environnemental dans lequel elle évolue, autant que les collègues paysans au-delà de nos frontières. Ainsi vit la souveraineté alimentaire.