lundi, 23 novembre 2015

climatDébut décembre 2015, la COP 21, la Conférence internationale sur le climat, se tiendra à Paris. Pourquoi est-il si important de parler d'agriculture et d'alimentation quand nous abordons le thème du changement climatique? Tout simplement pour la bonne raison que l'agriculture est concernée au moins à trois titres par les enjeux liés aux changements climatiques

 

La lourde responsabilité du système alimentaire mondial

Le système alimentaire mondial actuel est la 1ère cause de l’augmentation des gaz à effet de serre (GES). Nous estimons qu’il est responsable de 44 à 55% de ces émissions. Elles proviennent de la déforestation massive visant à développer l’agriculture industrielle sur de vastes zones comme la production de soja, maïs ou agrocarburants. La production d’intrants destinés à l’agriculture tels que les engrais, les pesticides ou les herbicides est également responsable de fortes émissions de GES. Notre système est basé sur une alimentation «low cost» qui déniche les produits les moins chers quitte à les transporter depuis l’autre bout de la planète. Ainsi, les flux de marchandises n’ont cessé de croitre. Nos modes de vie, pour le moins dans les pays occidentaux, nous incitent à consommer à l’extérieur du domicile et à (ab)user de plats pré-cuisinés engendrant une utilisation massive d’emballages. La congélation des produits a également augmenté et les déchets ne sont que l’illustration d’un gaspillage scandaleux; près de la moitié de la nourriture produite dans le monde est jetée entre le champ et la cuisine des consommateurs. A n’en pas douter, ce triste tableau permet une marge d’amélioration notable.

L’agriculture victime des aléas climatiques

Ironiquement, l’agriculture est la première victime des changements climatiques. Travaillant avec la nature, elle est particulièrement sensible à la sécheresse, aux inondations et plus largement aux aléas climatiques et changements brusques de la météo. La canicule de cet été, les chaleurs de l’automne, le manque de pluie et les effets de ceux-ci sur l’agriculture en sont un excellent reflet. Tous les spécialistes s’accordent à dire que ces «années exceptionnelles» devraient être plus fréquentes à l’avenir augmentant ainsi l’incertitude de la production et... en corollaire, la spéculation.

L’agriculture paysanne offre des solutions

Fort heureusement et ceci est une bonne nouvelle, l’agriculture est la première source de solutions durables pour atténuer l’impact de nos activités humaines sur le climat. La Via Campesina a l’habitude de dire «qu’il est possible de refroidir la planète et de nourrir le monde». Mais ceci n’est envisageable que si nous acceptons et oeuvrons conjointement pour un changement radical de nos politiques agricoles et alimentaires industrielles et que nous revenions vers des systèmes locaux de production, transformation, commercialisation et consommation.

Confortée par les études de la FAO qui affirment qu’avec 20% des terres cultivables à disposition, l’agriculture paysanne fournit plus de 70% de la nourriture mondiale, La Via Campesina affirme que les agricultures paysannes sont particulièrement efficientes et sont une solution d’avenir et non du passé. Mais pour permettre à ce type d’agriculture de prendre à nouveau son essor, des conditions doivent être remplies. 

Ce sont les exigences de celles et ceux qui souhaitent que le système alimentaire soit source de bien-être pour les Hommes, pour la planète et pour le climat. Il faut:

• Oeuvrer au niveau de la gouvernance globale comme au niveau des pays pour une redistribution des terres en faveur de l’agriculture paysanne et mettre fin à la concentration et à l’accaparement des terres qui ne profitent qu’au système industriel.

• Développer des méthodes agroécologiques intensives en travail, moins gourmandes en produits chimiques ou carburant. Il faut soigner les sols, conserver la biomasse et non la vendre, valoriser et reproduire les semences paysannes. Il faut diversifier les productions et moins se spécialiser afin de conserver ou développer des systèmes équilibrés qui soient plus sains et permettent ainsi une réduction massive des intrants tels que les engrais ou les pesticides.

• Décentraliser la production d’énergie en favorisant les micro-centrales hydrauliques, l’éolien et le photovoltaïque.

• Relocaliser de toute urgence les productions, transformation et commercialisation afin de réduire les transports, la congélation et l’emballage des produits et favoriser la consommation de produits frais et locaux. 

• Réinvestir dans la recherche publique en faveur de ce type d’agricultures. L’argent est disponible il s’agit de l’orienter vers ce type de projets.

• Il faut renoncer aux fausses solutions qui s’orientent vers une marchandisation du climat tels que les «droits à polluer» ou les fausses technologies vertes (REDD, crédits carbone, etc.).

 

Ce nouveau projet politique pour le système alimentaire mondial permettrait, selon nos estimations, de réduire de plus de moitié son impact sur le climat. Il ne faut pas craindre de remettre en question ces politiques agro-alimentaires nocives qui règnent depuis quelques décennies. Une politique réfléchie est basée sur la souveraineté alimentaire. Elle tient compte des besoins des populations locales et se base sur une vision solidaire et internationaliste de l’agriculture et de l’alimentation.

Valentina Hemmeler Maïga