La migration des peuples à travers des barrières arbitraires est partie intégrale de l'histoire de l'humanité. Motivés par la recherche de meilleures conditions de vie, ces mouvements de populations d'un endroit vers un autre ont été transformés plus tard en processus sociaux, économiques et politiques qui ont largement bénéficié aux élites dirigeantes - des marchands d'esclaves aux multinationales actuelles.
A l’heure où la Méditerrannée se transforme en vaste cimetière pour les migrant-e-s, il est nécessaire de se poser la question des origines des migrations, d’en identifier les victimes et celles et ceux qui en profitent. Nul ne quitte sa terre de gaîté de coeur. Cette personne ne doit ainsi pas être perçue comme une menace, mais comme une victime d’un système économique global pervers. Elle mérite respect, écoute et protection.
Aujourd’hui, notre système économique libéral exige des libertés exceptionnelles pour lui même -combinés avec de grandes restrictions pour les plus pauvres- qui engendrent guerres, exclusion sociale, injustices économiques, crise climatique globale qui forcent des milliers d’êtres humains à chercher un refuge au delà des frontières internationales imposées.
Victimes du système économique
Le monde financier et l’agrobusiness concentrent leurs pouvoirs et leurs biens -diminuant les capacités de vie de l’agriculture paysanne. En générant la précarité, ils contraignent un nombre grandissant de la population rurale à quitter leurs fermes pour migrer vers la ville. Les politiques libérales, les accords de libre échange, le développement de l’agriculture industrielle, la concentration des bassins de production ont des effets destructeurs sur l’environnement, la biodiversité, le climat et les économies locales, en particulier paysannes. Les communautés paysannes sont particulièrement affectées par ces politiques agressives qui imposent un modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources, la captation des biens communs, le vol des terres agricoles et l’exploitation des paysannes et des paysans comme celle des femmes et des hommes travailleurs de la terre. C’est ainsi qu’une forte proportion de paysans ruinés par ces politiques se retrouvent parmi les centaines de milliers de personnes migrantes dans le monde, obligés d’aller vendre leur force de travail loin de chez eux.
Travailleurs migrants exploités
Une fois urbanisés, nos peuples sont dans l’impossibilité de trouver des opportunités dans nos pays et deviennent les migrants d’aujourd’hui, la main d’oeuvre pas chère au service des multinationales. Les cas les plus révélateurs sont les paysans qui quittent les fermes familiales pour devenir travailleurs low cost de l’agriculture des géants comme Monsanto, Cargill, ou DuPont. Ceci arrive autant en interne - à l’intérieur du Mexique ou de la Palestine par exemple- qu’en externe. Nous traversons les frontières pour travailler pour ceux qui nous forcent à quitter nos terres.
La Via Campesina, le mouvement social le plus vaste, avec des millions de paysans et paysannes, de femmes, de jeunes, de peuples indigènes, d’afro-descendants, pêcheurs et -souvent dû à des déplacements involontaires- des migrants et des travailleurs ruraux, dénonce le fait que, celles et ceux qui souffrent du changement climatique qui provoque des dégâts catastrophiques dans nos territoires sont les plus pauvres d’entre nous. Le terme de “réfugié climatique” est aujourd’hui utilisé pour décrire celles et ceux d’entres nous chassés de leurs terres par les crises climatiques globales, par l’industrialisation de l’alimentation et par un système social qui rend coupable ses victimes et pardonne ses auteurs.
Des revendications audacieuses
Pour faire avancer la lutte pour la Souveraineté Alimentaire et permettre de mettre fin au contrôle des multinationales sur système alimentaire global, La Via Campesina déclare qu’il est nécessaire de:
1. Mettre fin à la violence et à la répression contre les migrants victimes d’une soi-disant lutte contre le terrorisme. L’immigration doit cesser d’être amalgamée avec les menaces contre la sécurité nationale.
2. Que les émigrés sans papiers cessent d’être séparés de leurs familles, car cela a de graves conséquences sur la vie de leurs enfants. Il faut arrêter de confiner les enfants de migrants dans des centres de détention qui les font vivre dans des conditions inhumaines, insalubres et en violation de leurs droits les plus élémentaires.
3. Que les réfugiés bénéficient de la protection des grandes organisations internationales et des ONG dont les valeurs morales sont reconnues, que leurs droits soient garantis et que les camps de réfugiés soient mieux encadrés.
4. Endiguer et révoquer les actions et les politiques qui criminalisent les migrants et ne font qu’augmenter les cas de persécution, de détention, d’expulsion et d’attaques physiques envers ces derniers. Il faut forcer les Etats à respecter les conventions internationales, à adhérer à la Convention pour la protection des droits des migrants et leurs familles et à modifier leurs politiques et leurs interventions publiques pour assurer la bonne exécution des conventions sus-mentionnées.
5. Légaliser la migration «clandestine» pour combattre la criminalisation.
6. Permettre aux migrant-e-s l’accès au marché du travail dans des conditions équivalentes aux travailleuses et travailleurs «nationaux».
7. Remettre en question le travail temporaire/saisonnier, car ce système ne fait que diviser la classe ouvrière et affaiblir ses luttes et son organisation interne. Dans de nombreux cas («bracero» et «guest workers»), ils ne profitent qu’à l’agriculture industrielle en lui fournissant une main d’oeuvre bon marché et docile.
8. Mettre en place des réseaux actifs permettant l’organisation et la défense des migrants, le renforcement du droit à la négociation collective et du droit de grève.
9. Démanteler les accords de libre échange, qui ont un impact sur les biens communs, les communautés rurales et les peuples autochtones. Inscrire le principe de la souveraineté alimentaire dans le droit international pour retirer au capital corporatif le contrôle du système alimentaire et reconstruire les agricultures nourricières dans nos pays respectifs.
10. Combattre le système de croissance économique et son évolution «verte» qui ne touche en rien aux causes de la crise climatique, qui elle-même exacerbe la crise des migrations. Les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes et sont déjà responsables d’un quart des migrations non-désirées à l’échelle mondiale estimées à 210 millions de personnes.
11. Reconnaître les causes de la crise climatique mondiale et forcer les sociétés transnationales et leurs gouvernements dans les pays industrialisés à assumer leur responsabilité dans la vague de réfugiés climatiques. Au niveau national, intégrer les victimes de déplacements dus à la dégradation de l’environnement dans les stratégies de développement social pour les aider à s’organiser.
12. Élaborer des plans d’action avec des échéances précises dans les politiques nationales de recherche et développement, en donnant la priorité à l’agriculture paysanne durable comme une option viable pour lutter contre la crise climatique et réduire les impacts des déplacements dus à la dégradation de l’environnement.
13. Faire tomber tous les murs: Etats-Unis/Mexique, Melilla, Ceuta, Palestine, Sahara occidental, etc., car non seulement ils représentent une agression barbare contre l’humanité et ils divisent les peuples, mais ils attentent à la nature.
14. Mettre fin aux guerres pour l’occupation de territoires, l’extraction des richesses et l’asservissement des peuples autochtones
La Via Campesina