jeudi, 29 janvier 2015

boite pandoreSécurité ou souveraineté? Qui a ouvert la boite de Pandore?

Un petit rétropédalage en août 2008 nous ramène à une séance mémorable entre Uniterre et l'Union Suisse des Paysans à propos du projet d'Uniterre de lancer une initiative populaire sur la souveraineté alimentaire. A cette époque, l'USP avait tout fait pour nous décourager, arguant que nous allions ouvrir la boite de pandore en touchant à l'article constitutionnel sur l'agriculture

 

(ce que nous n’avions d’ailleurs aucunement envisagé puisque nous voulions faire un article 104a). En ce temps, ils nous avaient dit vouloir suivre la piste d’une initiative parlementaire sur la souveraineté alimentaire. Nous avons fait la grave erreur de mettre en veilleuse notre initiative populaire et de les laisser avancer sur le plan parlementaire. Le résultat a été un article complètement inutile dans la loi sur l’agriculture car passé au travers de négociations partisanes au sein du Parlement sur lesquelles nous n’avions aucune prise. Notre texte déjà avancé en 2008, ne leur plaisait pas sur trois aspects: augmenter le nombre de paysans par une agriculture rémunératrice, améliorer les conditions de travail des employé-e-s et mettre fin aux subventions à l’exportation. Autant vous dire qu’en 2015, ils n’ont pas modifié leur point de vue sur ces points.

En août 2013, après un travail fait en catimini sans bien sûr approcher Uniterre, ils annoncent en grande pompe lancer leur propre initiative populaire sur la «sécurité alimentaire». Un peu gros de leur part d’oser déclarer ce mois de janvier dans les colonnes de «Terre et Nature» qu’Uniterre a suivi le mouvement de l’USP en lançant son initiative...

L’ironie de cette histoire c’est que c’est bien l’Union Suisse des Paysans qui a ouvert la boite de pandore. En choisissant de se limiter à la sécurité alimentaire, elle a permis à la Confédération de rédiger un contre-projet qui ouvre grand les portes aux importations et aux accords de libre-échange. En effet, comme le dit très justement le Conseil fédéral, la sécurité alimentaire c’est la disponibilité, l’accessibilité, l’utilisation de la nourriture et la stabilité dans le temps de ces trois facteurs. Il ajoute que «l’article 104 de la Constitution fédérale prévoit une contribution à la production indigène à des fins de sécurité de l’approvisionnement. Par contre la Constitution ne fait aucune mention des importations nécessaires à la sécurité alimentaire». Ainsi, ni une ni deux, le contre-projet est un article 102a qui, dans sa lettre d, affirme la nécessité de favoriser «l’accès aux marchés agricoles internationaux». Résultat, la Constitution pourrait se voir affublée d’un article pronant le libre-échange! En effet, dans son argumentaire, le Conseil fédéral affirme que «ce sont des accords de libre-échange multilatéraux et bilatéraux qui permettent l’accès aux marchés internationaux». Chapeau! Cela ne nous suffisait pas d’avoir un Conseiller fédéral de l’économie fanatique du libre-échange, nous passons la vitesse supérieure et nous l’inscrivons dans la Constitution. Comme auto-goal pour l’agriculture ... qui dit mieux!

Chères familles paysannes, chers sympathisant-e-s, chers citoyen-ne-s, au vu de la tournure des événements, il n’y a pas une seconde à perdre: il faut mettre la pression sur le Conseil fédéral en signant massivement l’initiative d’Uniterre qui -entre autres- exige une protection à la frontière pour maintenir et développer l’agriculture locale, revendique des prix et des salaires équitables, oblige à une régulation de la production pour éviter les surplus structurels et pouvoir ainsi se passer des subventions à l’exportation tout en maintenant des prix justes.

Si l’initiative de l’USP n’était pas négative en soi, bien qu’elle n’apportait pas grand chose tout en permettant au mieux de «gérer l’acquis», l’effet qu’elle provoque par le contre-projet est plus que nocif pour l’agriculture. On ne rigole plus. C’est l’avenir d’une paysannerie et de produits locaux qui est en jeu maintenant!