Pascal Viande s'est associé avec Colette et Luc «Lucky» Rempe en 2000, Noémie Deppierraz les a rejoint cinq ans plus tard en tant qu'employée. Amis d'enfance et bergers, Colette, Lucky et Pascal souhaitaient exercer leur passion et construire un modèle économique viable. Chaque associé a fait quelques concessions pour que chacun y trouve son compte. Ces compromis leur ont permis de n'en faire aucun envers le système agro-alimentaire en place et de pratiquer leurs métiers dans le respect de l'environnement.
Pascal est en charge de la traite et du soin des 75 brebis et 3 béliers qui constituent leur troupeau. Il est totalement dévoué à ses bêtes et c’est lui qui tenait à ce que leur domaine soit en bio. Fils d’agriculteurs conventionnels, il a été dégoûté par les traitements chimiques et a développé une grande conscience écologique. Pour Lucky, fromager de formation, c’est la proximité qui prime. C’est lui qui fromage chaque matin pendant la belle saison, il aime expérimenter de nouveaux produits -fromages ou yogourts- et varier sa production. Il est passionné par le travail du lait de brebis, plus riche, plus évolutif et selon lui plus facile à travailler que le lait de vache. Avec sa femme Colette, ils font plusieurs marchés par semaine. En hiver, vu qu’il ne fromage plus, il travaille au téléski de Vaulion. Ses revenus sont réinjectés dans la SA. Noémie aide quant à elle Pascal pour le soin des animaux, fait deux marchés par mois et vend également des tisanes. En été, elle s’occupe de l’alpage proche, loué à la commune, où ils mettent les agneaux à pâturer avec des génisses de paysans bios.
Grâce à ce modèle économique, le domaine du Petit Boutavent est financièrement sain, tout le fromage est vendu en direct, tout comme la viande d’agneau à la fin de l’été. Et l’Etat, via les paiements directs, ne les subventionne qu’à hauteur de 25%. Cette répartition des tâches et des revenus permet aussi à chaque famille (deux enfants en bas âge pour Noémie et Pascal, et 3 jeunes adultes pour Colette et Lucky) de partir à tour de rôle deux semaines en vacances en automne. Après des années de dur labeur et d’investissements, pour la réfection des deux habitations puis la construction d’une nouvelle bergerie, les habitants du Petit-Boutavent ont, au fil des saisons, un niveau de vie décent et une existence agréable. L’entraide prime mais chacun gère ses tâches comme bon lui semble.
Pour Lucky c’est clairement le marché urbain qui est la meilleure alternative à la grande distribution. D’une part parce qu’elle évite tout intermédiaire et leur permet ainsi de pratiquer des prix corrects et d’avoir une clientèle large et hétérogène. D’autre part c’est une excellente solution pour le consommateur, qui peut trouver de nombreux produits locaux au même endroit. Et qui apprécie de pouvoir rencontrer les producteurs. Cependant, d’après cet ancien président du Marché Paysan: «ce modèle n’est pas assez soutenu et encouragé par les villes, il faudrait que les producteurs soient favorisés par rapport aux revendeurs, et que l’attribution des emplacements ne dépende pas uniquement de la police».
Grâce aux bons rapports entretenus avec une clientèle largement composée de fidèles, les associés ont également réussi à financer une partie de la nouvelle bergerie. Après une dizaine d’années dans une vieille étable peu commode qui posait de nombreux problèmes d’hygiène, il était en effet nécessaire que les brebis aient un abri plus grand et adapté, où le travail de l’homme soit aussi optimisé. Par un système de parrainage, de nombreux clients ont participé aux frais que les emprunts et fonds propres ne suffisaient pas à couvrir. Une fois la bergerie -modulable et entièrement construite avec du bois du domaine et beaucoup de matériel de récupération- terminée, ceux-ci ont été invités à un grand méchoui. Une manière de plus de tisser des liens, de valoriser les métiers de la terre et de sensibiliser les consommateurs aux modes de production de leur nourriture.
Eline Müller, Pissenlit