Nous restons fidèles à notre vision !
Seul un petit nombre de parlementaires soutient ouvertement notre initiative pour la souveraineté alimentaire. Nous pouvions nous y attendre, puisqu'il est impossible de répondre à nos revendications avec des bouts de sparadrap.
Fin novembre 2016, le Conseil des Etats a décortiqué l'initiative de l'Union suisse des paysans (pour la sécurité alimentaire) et présenté un contre-projet.
Le résultat est tragique. « L’approvisionnement de la population avec des denrées alimentaires issues d’une production indigène » a été remplacé par « des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire », ce qui n’est pas équivalent. Ce même contre-projet est censé couper les ailes à l’initiative « pour la souveraineté alimentaire », mais c’est sans compter l’élan que notre mouvement est en train de prendre.
Notre quotidien se transforme rapidement. Des personnes sont remplacées par des machines. Des emplois sont sacrifiés sur l’autel de la rationalisation, notre travail est effectué par des robots. Certains peuvent s’enthousiasmer, mais de nombreuses questions restent sans réponse : que fera la personne qui perd son emploi ? D’où viendra son salaire et sa valorisation ? L’agriculture n’est pas à l’abri de cette tendance à l’automatisation. Au lieu de soulager notre travail, elle augmente la pression sur les quelques humains restants, les dettes augmentent, c’est le début d’un cercle vicieux.
Nous pouvons lutter contre cette tendance avec de bons arguments : en gardant la valeur ajoutée dans la région nous garantissons des emplois et des revenus. En Suisse, l’agriculture paysanne permet de maintenir des emplois sur les fermes, dans l’artisanat, dans la transformation et - en fin de chaîne - dans le commerce. Si nous voulons lutter contre la perte d’emplois dans les régions rurales, la protection de l’artisanat et de la paysannerie est indispensable. En font partie également les moulins, les boulangeries, les pépinières, les boucheries, la construction, la restauration et les petits magasins villageois. Les nouvelles formes d’habitation, les jardins communautaires et les projets d’agriculture contractuelle contribuent également à ranimer la vie rurale. Les jeunes cherchent de nouvelles perspectives à la campagne, perspectives qui dépendent de l’existence de places d’apprentissage et de travail. Par ailleurs, qui dit revenus assurés, dit aussi recettes fiscales garanties et moins de dépenses sociales.
En achetant des produits alimentaires de la région, nous contribuons à la protection du climat et de l’environnement. De nombreux produits importés ont été transportés en camion ou en avion, les légumes ont été arrosés avec de l’eau provenant de nappes phréatiques de plus en plus profondes, les monocultures pratiquées ailleurs sont contestables, autant du point de vue écologique que social. C’est sur la production indigène, et donc sur la qualité des produits alimentaires indigènes, que nous pouvons influer. Avec le commerce libéralisé, nous avons perdu quasiment tout contrôle en ce qui concerne les marchandises importées.
Un soutien provient parfois de milieux inattendus. Les assurances, par exemple, s’intéressent davantage aux conséquences des changements climatiques. Une assurance contre la grêle autrichienne* a mandaté une étude pour découvrir comment obtenir des effets positifs grâce aux changements de comportement des consommateurs. L’Université de Linz en charge du mandat a constaté qu’« une augmentation de 10 % de la consommation de produits indigènes engendre 21’000 emplois. » Simultanément, la production et la consommation de denrées alimentaires régionales contribuent à la préservation de l’environnement et du climat.
Tout cela nous incite à rester attentifs aux détails. Ainsi, au lieu de la formulation vague « renforcer l’approvisionnement de la population en denrées alimentaires », nous demandons de « renforcer la production alimentaire indigène », ce qui permettra aux intérêts de toute la population de peser dans la balance.
Ulrike Minkner, vice-présidente d’Uniterre
traduction : Stefanie Schenk
*Source : lid.ch, 14.12.2017, Österreich: Konsum heimischer Lebensmittel schafft Arbeitsplätze