Après plus de dix années d'existence plus de 350 entreprises dont 280 fermes genevoises proposent sous le label GRTA plus de 1000 produits différents issus de la production régionale. A ce titre ce label est une belle réussite. Malgré ce résultat, il reste encore du chemin à parcourir pour défendre et développer une production alimentaire paysanne locale, diversifiée, durable et rémunératrice.
Le label Genève Région Terre Avenir (GRTA) a été lancé en mars de l’année 2004. Ce label en propriété de l’Etat de Genève doit répondre à quatre principes que sont la qualité, la proximité, la traçabilité et l’équité. Ce sont ces éléments essentiels qui font la particularité de ce label.
Label régional
La nouveauté est constituée par le fait qu’il s’agit d’un label n’appartenant pas à un acteur particulier du marché mais bien à la collectivité. L’histoire de sa création en est d’ailleurs le reflet. En effet, c’est le groupe de travail sur la souveraineté alimentaire, convoqué en 2001 par le gouvernement de l’époque suite à une action menée par Uniterre qui travaillera sur une loi sur l’agriculture (adoptée en 2004) et sur la création d’un label de promotion qui deviendra donc le label GRTA. Les principaux acteurs des filières discutaient cependant déjà depuis 1995 sur un label régional. Il s’agissait alors principalement de différencier l’origine du produit et de défendre des parts de marché pour la production locale. Cette démarche a dès lors été complétée par une approche plus globale, s’inspirant de la souveraineté alimentaire et les quatre piliers qui constituent les directives du label. Le label est légalement piloté par deux commissions qui incluent des représentants des différentes filières agricoles, des syndicats agricoles et ouvriers, de la transformation, des distributeurs, des consommateurs et des institutions publiques. Par ailleurs, les organisations de défense de l’environnement sont les absents notables de ces commissions. De fait, l’Opage (Office de promotion des produits agricoles de Genève) a pris cependant une influence croissante au sein du fonctionnement du label, ce qui pose un problème en terme de représentativité et de légitimité.
Qualité
Le pilier de la qualité renvoie à la fraîcheur, à la diversité, au goût, au respect de l’environnement et au refus des OGM. Les standards de qualité auxquels il est fait allusion sont ceux régissant la production agricole suisse en matière de prestations écologiques minimales requises et de normes de détention des animaux. La pression sur les prix pousse cependant les producteurs à la mécanisation et à une spécialisation qui éloigne les fermes d’un fonctionnement en cycle énergétique fermé, ce qui est à la base d’une production agricole paysanne de qualité et durable. Si la qualité se mesure donc à des objectifs de stabilité et de résilience de la production agricole dans un contexte de différentes crises (climatiques, ressources, biodiversité, énergie, économie), cette dernière peut encore être renforcée.
Proximité
Un deuxième pilier est celui de la proximité. Il s’agit là principalement d’une proximité géographique (le canton de Genève, les zones franches et le district de Nyon). Mais la notion de proximité signifie aussi les circuits courts, la promotion de la vente directe et des contacts directs entre producteurs et consommateurs. Dans ce domaine, pour l’instant, le label et ses commissions n’ont pas encore développé de stratégie de renforcement.
Transparence
Quant au pilier de la transparence le label indique la provenance, le producteur et le mode de production (y compris la production hors-sol). Ce sont là des indications de première importance pour le consommateur et il ne faudra en aucun cas y renoncer sous peine de perdre la crédibilité du label. Rappelons à cet égard que la grande distribution et les producteurs hors-sol tentent de supprimer la déclaration sur le mode de production. La question de la saisonnalité de la production entre probablement aussi dans ce pilier. Si par transparence on entend information au consommateur, il est étrange de voir que selon le calendrier de saisonnalité diffusé par le label la saison des concombres et des tomates par exemple débute au mois de mai alors que dans la production paysanne genevoise ces légumes sont plantés à cette période de la saison...
Equité
En ce qui concerne le dernier pilier celui de l’équité, le label a permis une petite amélioration de la valorisation de la production, mais on est encore loin pour l’ensemble de la production labellisée de pouvoir parler de prix équitables. Les seuls secteurs qui ont des prix producteurs rémunérateurs sont ceux qui pratiquent la vente directe, une partie de la production céréalière (filière bio 1.20 Fr/kg) et une partie de la production laitière (1.- Fr/l). Dans le secteur céréalier conventionnel le label ne permet qu’une légère amélioration de la valorisation et on est loin d’un prix producteur rémunérateur équitable. Ceci alors que le label donne théoriquement le droit à une majorité des producteurs d’une filière de fixer un prix minimal au-dessous duquel l’attribution du label peut être refusée.
Lait GRTA
Dans le secteur laitier, le label a certainement permis de maintenir au moins les 5 fermes laitières genevoises restantes. Ces fermes produisent 2’000 tonnes de lait par année. Actuellement, 230’000 litres de lait sont payés 1.-/litre au producteur. Notamment dans le segment « outres de 3 litres » qui écoule à ce jour 160’000 litres. En effet, depuis 2010 les Laiteries Réunies (LRG) commercialisent le « Lait entier genevois » labellisé GRTA en outres de 3 et 10 litres. Le montant investi pour réaliser ce conditionnement était d’environ 300’000 francs. En ce qui concerne le volume des ventes des outres de 10 l il se situe à 700’000 l. Depuis le lancement, les ventes de ce segment sont progressivement passées à 160’000 l annuels. En ce qui concerne le volume des ventes des outres de 10 l il se situe à 700’000 l. Depuis 2014 les LRG ont également mis en route une filière de conditionnement en briques (UHT). C’était pour les LRG, l’occasion d’approvisionner la population genevoise en lait de consommation local. Cette activité de conditionnement avait été démantelée en 1997 et externalisée en Valais et en Suisse allemande. Pour la mise en place de cette ligne de conditionnement de lait UHT en litre, le montant investi était de 1,6 millions de Francs qui ont permis une installation neuve pour le traitement du lait : stérilisateur tubulaire, homogénéisateur, tank stérile, conditionneuse, emballage par fardeleuse de 4-6 et 12 briques, cartonneuse par 12 briques et un robot de palettisation. La concrétisation de ce projet a été possible grâce au « Projet de développement régional » (PDR). Ce PDR, lancé en juin 2012, a bénéficié du soutien de la Confédération et du canton.
Aujourd’hui 1’250 tonnes de lait produits à Genève sont transformés en lait de consommation pasteurisé et UHT, en fromage et en yogourt labellisés. Ceci représente le 50 % du lait GRTA produit à Genève. C’est une belle réussite.
Les LRG prennent par ailleurs également en charge la production laitière des zones franches et de la Côte vaudoise, soit en tout environ 150 producteurs et 48’000 tonnes de lait. Ce lait est payé autour de 54 cts le litre. (63 cts/kg segment A, 40 cts/kg. segment B (35 %)) Actuellement les habitants du canton de Genève consomment environ 30’000 tonnes de lait de consommation par année (60 l/habitant) sans compter le fromage et les dérivés. Alors que la production genevoise représente moins que 8 % de la consommation, pour l’instant, malheureusement, seulement moins que 1 % de cette production est équitablement rémunéré.
Eu égard à ces chiffres, il doit être possible de valoriser équitablement en premier lieu le lait genevois mais ensuite aussi tout le lait collecté par les LRG. Pour cela une politique d’information des consommateurs devrait être un objectif prioritaire du label pour promouvoir et défendre une production laitière paysanne, régionale et équitable.
Rudi Berli
publié dans le Journal d’Uniterre - décembre 2016