Alors que plus que jamais, nous constatons qu’une agriculture indigène est indispensable à la sécurité de l’approvisionnement de notre pays et à la souveraineté alimentaire ; que les consommateurs prennent conscience de l’importance d’une agriculture de proximité et dévalisent les marchés à la ferme, self-services et autres, la demande de l’IP lait du 23 avril d’importer 1000 tonnes de beurre tombe totalement à rebours du bon sens et elle est choquante en cette période de crise historique.
Nous vous demandons de refuser catégoriquement cette demande. La fabrication de beurre à partir de matière première suisse est possible et plus que souhaitable ! Comme indiqué dans notre précédent courrier adressé à M. Parmelin, le 14 avril dernier, il est temps de mettre fin aux aberrations que la production laitière subit depuis des années: le système de segmentation du lait en place aujourd’hui est opaque et profite surtout aux acheteurs de lait qui utilisent tous les stratagèmes possibles pour acquérir cette précieuse matière première au prix le plus bas possible. Voici quelques exemples :
- Entre septembre 2019 et janvier 2020, la part de lait segment B chez l’un des plus gros acheteurs - Mooh - est passée de 10 à 40%. Et comme par hasard, cette augmentation du lait en segment B s’est faite en parallèle de la mise en place du « Tapis vert » (Swissmilk green).
- Une partie du lait segment B sert à la fabrication de fromage à pâte molle vendu à l’exportation environ 3 Fr.-/kg. Comment cela est-il possible ? Parce que le supplément pour le lait transformé en fromage est également versé sur ce lait segment B, ce qui est contraire à la loi : ce supplément ne doit aller que sur du lait segment A.Pour rappel, le lait segment B a été payé en moyenne 45,42 centimes par litre de lait en 2019.
- De plus, l’acheteur Mooh a annoncé dans son bulletin d’avril 2020 qu’à cause de l’effondrement brutal des prix internationaux du lait et de la poudre de lait lié à la crise du corona virus, le prix du lait segment B est impacté et a déjà diminué de 3 centimes sur le mois d’avril pour arriver à 42 centimes. Et que l’on peut s’attendre à une nouvelle baisse importante en mai.
Comment ce secteur déjà fortement ébranlé va-t-il pouvoir faire face à une nouvelle baisse des prix ?
Nous demandons donc : une revalorisation du prix départ ferme, un transfert d’une majorité du lait segment B, utilisé à la fabrication de pâtes molles, de poudre de lait écrémé, yogourts, autres produits frais pour l’exportation vers le segment A pour la fabrication de beurre pour le marché Suisse.
Comme nous pouvons le constater ses dernières semaines, la Confédération a su nous montrer, qu’en temps de grave crise, elle est capable de jouer son rôle et de prendre ses responsabilités, même au prix de nombreux sacrifices. Nous demandons que l’Office Fédéral de l’Agriculture prenne aussi ses responsabilités et mette en place de véritables mesures pour encadrer la production laitière suisse et garantir le maintien de cette dernière. L’heure est grave également pour la production laitière suisse ! Et force est de constater que la Fédération des Producteurs Suisses de Lait ainsi que l’Interprofession Lait ont montré depuis des années et montrent encore aujourd’hui, en temps de crise, leur incapacité à défendre et mettre en place de réelles solutions en faveur des producteurs de lait suisses.
N’oublions pas que si nous en sommes arrivés là - à manquer de matière première pour fabriquer du beurre -, c'est avant tout à cause de l’hécatombe du nombre de producteurs de lait en Suisse, qui est la conséquence d’un prix du lait tous segments confondus couvrant à peine la moitié des coûts de production.
De nombreux producteurs sont au bord du gouffre et de plus en plus de consommateurs se rebiffent contre cette libéralisation des importations particulièrement en ces temps de semi-confinement qui exacerbent les réactions. Accepter cette demande d'IP Lait est indigne d'un pays qui dit soutenir ces producteurs. Cela pourrait, de plus, amener ces producteurs qui n'ont plus rien à perdre à des réactions en chaîne. Plusieurs d'entre eux ont déjà parlé de vider les rayons de beurre étrangers dans les magasins qui en vendraient. Des consommateurs semblent de plus en plus prêts à les appuyer. La situation est déjà tendue et ce serait un non sens que de mettre de l'huile sur le feu.
Il est temps d’agir en faveur des producteurs !
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur Hofer, à l’assurance de nos salutations distinguées.
(Pour simplifier, la forme masculine est employée pour désigner autant les femmes que les hommes)