lundi, 28 juillet 2014

CH-QuotaEMBUne étude consacrée au marché laitier suisse démontre les effets perturbateurs de l'abandon des quotas

Selon le président de l'EMB, l'UE connaîtra un sort similaire après l'abolition en 2015 

(Bruxelles, le 23 juillet 2014: « Alors que cinq années se sont écoulées depuis l'abolition des quotas, les producteurs sont toujours privés de conditions stables sur le march.».

 

Telle est l’une des conclusions de l‘étude qui vous est aujourd’hui présentée à Bruxelles et analyse les répercussions de la suppression, en Suisse, des quotas laitiers en 2009. Son auteur, le Dr. Therese Haller de la Haute Ecole spécialisée bernoise, est rattaché à la faculté des sciences agricoles, forestières et alimentaires et d’agronomie. Cette étude met en lumière des résultats importants pour le marché laitier suisse. En outre, elle éclaire également l’évolution future du marché du lait en UE, qui se trouve à la veille d’une abolition similaire.

Pression exacerbée sur les prix versés aux producteurs au lendemain de l’abandon définitif de 2009

Comme le démontre en premier lieu l’étude consacrée à la Suisse, les augmentations de volumes liées à l’abolition ont eu pour effet que comparativement au prix moyen versé aux producteurs lors des campagnes 2000/2002, le lait suisse destiné à l’industrie a perdu, jusqu’aux années 2010/2012, près de 24% de sa valeur. Le lait de fromagerie et le lait bio ont quant à eux perdu respectivement 15 et 19% de leur valeur. Des mesures de droit privé efficaces en vue d’une stabilisation des prix versés aux producteurs n’ont, à ce jour, pas pu être activées en raison des profonds désaccords divisant les acteurs du marché.

« La décision d’abolir les quotas s’est fondée sur des études et des attentes qui se sont avérées totalement erronées », réprouve Werner Locher du BIG-M, l’association qui représente les éleveurs laitiers suisses. « Les mauvais prix imposés sans répit aux producteurs de lait ont poussé bon nombre d’entre eux à mettre la clé sous la porte - même ceux qui disposaient, au fait, de bonnes structures d’exploitation. » Par conséquent, le cheptel laitier ne fait que reculer et ce déclin met, selon le représentant du BIG-M, surtout en danger toute l‘exploitation agricole des terres alpines. « Ce faisant, on fragilise un des piliers essentiels du tourisme helvétique. Si les producteurs ne peuvent percevoir des prix rémunérateurs, des secteurs qui s’étendent bien au-delà de l’agriculture seront affectés », analyse Werner Locher.

Plus forte concentration des transformateurs sur le marché et répartition inéquitable de la croissance volumique

L’étude explique également que la concentration des transformateurs sur le marché suisse s’est renforcée après l’abolition et que ce bloc formé face aux producteurs a aussi contribué à détériorer la position de ces derniers. Entre 2003 et 2012, les quatre plus grands transformateurs ont traité des volumes en hausse de 38% et leurs parts de marché sont passées de 44 à 56% en Suisse.

L’étude évoque aussi un autre élément perturbateur pour l’ensemble du marché laitier helvétique, à savoir la répartition de la croissance volumique au lendemain de la suppression. Ces augmentations de volumes portèrent sur les segments à bas prix que sont le beurre et le lait en poudre et qui n’offrent souvent pour seul débouché qu‘une exportation à perte. Parmi les autres évolutions observées sur le marché du lait en Suisse, l’étude épingle également le creusement de la fracture entre les régions de montagne et de plaine après la suppression des quotas.

Parallèles entre l’abolition en Suisse et la prochaine suppression en UE

Romuald Schaber, président du European Milk Board (EMB), identifie des parallèles indubitables entre la situation suisse et l’abolition des quotas prévue en UE. « Même si les répercussions ne sont pas parfaitement identiques, personne ne peut nier le fait que l’Union européenne va, elle aussi, au devant de temps très durs. » Le marché et surtout ses producteurs seraient livrés à eux-mêmes. « Sans instruments efficaces et en l’absence de prix rémunérateurs, de très nombreux agriculteurs seront contraints de jeter le gant aussi en UE. En définitive, ce sont des régions entières qui perdront purement et simplement leur production laitière », anticipe Romuald Schaber.

L’étude bernoise tire aussi des conclusions éclairantes pour la prochaine abolition des quotas laitiers en UE :

- La disparition de la production laitière dans des régions entières de l’UE sonnera aussi le glas de tout un patrimoine culturel local. Il n’est pas exclu que cette disparition provoque, en outre, un exode rural et une reconquête des terres cultivées par la forêt. A long terme, ces phénomènes poseront un gros problème d’approvisionnement alimentaire pour la population mondiale.

- En Union européenne, il faut également s’attendre à des problèmes du côté des transformateurs si, à longue échéance, il n’est plus possible de fabriquer et/ou d’écouler autant que prévu. Les fermetures de sites associées à ces phénomènes auraient de profondes répercussions au niveau régional.

- L’équilibre des forces dans le secteur laitier est défavorable aux producteurs (et aux consommateurs). Cette asymétrie conduit le marché à l’échec en UE.

 - En Union européenne, personne ne devrait fermer les yeux sur les normes de qualité et de sécurité alimentaire, les conditions sociales des travailleurs ou le bien-être animal.

 - D’un point de vue macro-économique, il convient de se rappeler que des hausses de coûts peuvent être justifiées, qui contribuent ainsi, à titre d’exemple, à défendre les intérêts des générations futures.

Romuald Schaber de l’EMB souhaite faire bon usage des conclusions de l’étude consacrée au marché du lait en Suisse afin de prévenir l’effondrement du marché laitier en UE. « Les élus politiques seraient bien inspirés de lire cette étude avec attention et de tirer les enseignements de l’évolution du marché suisse afin d’au-moins mettre en place des instruments de gestion de crise efficaces. En effet, les problèmes s’accumuleront pour tous les acteurs, qu’ils soient producteurs, transformateurs, consommateurs ou représentants politiques, si, dans la pratique, l’abolition des quotas évince du marché les producteurs. Comme les Suisses en font l’expérience, la valeur ajoutée promise au lendemain de la suppression ne se matérialise pas pour les consommateurs. Il convient de se débarrasser de ces oeillères libérales et d’ensemble instaurer un mécanisme de stabilisation. »

L’étude peut être consultée dans sa totalité (en anglais/allemand) et dans une version abrégée à la page suivante :  http://www.europeanmilkboard.org/fr/emb/etudes.html