jeudi, 12 novembre 2015

Indonesia webLe colza, culture emblématique dans notre pays, est menacé. Notre gouvernement négocie d'un bon train un accord de libre-échange avec la Malaisie. Or, ce pays du sud-est asiatique -grand producteur d'huile de palme- n'a fait qu'augmenter ses exportations vers la Suisse ces dernières années.

(Photo: Rettet den Regenwald e.V)

 

Est-ce un combat de David contre Goliath?

 

Pourtant les arguments qui permettraient de stopper cet accord de libre-échange qui met en péril notre production indigène sont nombreux. L’huile de colza est réputée pour sa qualité nutritionnelle ce qui n’est de loin pas le cas de l’huile de palme. Deuxièmement le colza est parfaitement intégré à la rotation des cultures sous nos contrées et sa disparition pourrait clairement créér un déséquilibre; contrairement, les plantations de palmiers à huile en Malaisie se font au détriment de l’agriculture paysanne. Ce sont d’immenses étendues cultivées sur les terres paysannes et les forêts tropicales qui portent préjudice à la biodiversité végétale et animale et provoquent des conséquences sociales dramatiques. A la concurrence directe pour le colza s’ajoute le conflit avec le beurre. Alors que nous avons régulièrement de la peine à écouler nos matières grasses animales et que l’industrie substitue le beurre par de l’huile de palme pour des raisons économiques et pratiques, nous ne ferions qu’aggraver la situation et pousser, par ricochet, à l’exportation à bas prix du beurre suisse... vers la Malaisie?

Un label douteux

La Suisse, qui souhaite ratifier cet accord pour pénétrer le marché malaisien des services (assurances, finances, etc) et des brevets essaie de négocier que l’huile de palme importée soit labellisée RSPO (table ronde pour l’huile de palme responsable). Mais nombres d’organisations, dont fait partie Uniterre, ne croient pas à ces labels portés par le WWF et les multinationales qui n’ont pas grand chose de sérieux et s’apparentent plutôt à du greenwashing (un coup de peinture verte sur en commerce débridé). Les organisations paysannes de La Via Campesina d’Amérique latine et du Sud-est asiatique ont dénoncé à maintes reprises ces labels comme étant un cheval de troie des mutlinationales pour accaparer les terres valorisées jusqu’alors par l’agriculture paysanne. Seules les grosses sociétés arrivent à se faire certifier, les petits paysans étant ainsi boutés hors du marché et expulsés de leurs terres. Par ailleurs cette norme totalement privée échappe au contrôle étatique.

Débat indispensable

Pour notre colza, pour notre santé alimentaire comme pour la défense de nos collègues dans ces régions, nous devrions agir contre cet accord. En Suisse, une coalition large telle que celle mise en place en 2008 contre les agrocarburants serait un préalable nécessaire pour convaincre le Parlement de renoncer à cet accord néfaste qui pourrait, sans réaction de notre part, aboutir en 2016 déjà. Cette coalition pourrait ainsi servir de plateforme de lobby auprès du nouveau parlement fédéral né des dernières votations. A ce propos une interpellation de Maya Graf (Verts, BL) au printemps 2015 sur ce dossier a déjà été traitée par le Conseil fédéral. Dans sa réponse, il est décevant de constater que la coopération du SECO se concentre essentiellement sur l’appui aux petits producteurs pour être certifiés RSPO alors qu’il serait judicieux d’encourager plutôt une agriculture paysanne nourricière à destination des populations locales. Elle a été suivie par une question de Urs Schläfli (PDC; SO) au Conseil fédéral en septembre 2015 relevant les critiques quant à la fiabilité du label RSPO et à la corruption.

Côté statistiques

Selon l’Office fédéral des douanes, ces cinq dernières années, les importations totales d’huile de palme provenant de Malaisie sont passées de 11% à 46%. Elle a multiplié par quatre la quantité qu’elle exporte vers la Suisse. Elle est maintenant le premier importateur avec 6.6 Millions de tonnes sur le seul 1er semestre 2015...  A noter que l’Allemagne exporte vers la Suisse plus d’huile de palme que l’Indonésie (1.3 millions de tonnes contre 0.5 millions de tonnes) et fait ainsi partie du quatuor de tête...Assurément, ce dossier nous occupera ces prochains mois. Une occasion pour les associations paysannes, de consommateurs, de développement, de protection de l’environnement et de la santé de faire front commun. Uniterre y travaille.Valentina Hemmeler MaïgaL’organisation «Sauvons les forêts tropicales» a lancé une pétition en ligne contre cet accord: https://www.regenwald.org/aktion/1020/schweiz-verhindert-den-freihandel-mit-palmoel